En janvier 2024, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages a accepté la demande conjointe de retrait de la plainte disciplinaire soumise par le syndic et l’expert en sinistre visé. Par ailleurs, le nom de cette personne a été mentionné dans un jugement récent. Son intervention lors d’un règlement de sinistre est longuement commentée par le tribunal. 

L’expert en sinistre Jimmy Fequet (certificat no 179 940) et le syndic adjoint Pascal Paquette-Dorion ont soumis la demande de retrait au comité de discipline de la Chambre. 

La plainte, déposée au syndic en 2022, comptait un seul chef d’accusation. On reprochait à l’intimé d’avoir exercé ses activités de manière négligente dans le cadre du traitement d’une réclamation des assurés victimes d’un incendie et dont l’assurance habitation était couverte par l’assureur Wawanesa

Au moment où le comité de discipline a entendu la demande de retrait, le 29 novembre 2023, l’intimé était inactif et sans mode d’exercice. Son permis en expertise de sinistre a pris fin le 30 avril 2023.

M. Fequet n’a pas demandé son renouvellement. Son nom apparaît d’ailleurs dans le bulletin hebdomadaire de l’Autorité des marchés financiers publié le 11 mai 2023, dans la liste des représentants inscrits dont le permis n’a pas été renouvelé.

La demande de retrait de M. Fequet découle d’un engagement écrit de l’intimé de ne plus agir comme expert en sinistre ni dans une autre discipline en assurance de dommages. L’intimé comprend que « s’il ne respecte pas cet engagement, le syndic de la Chambre pourra déposer de nouveau les accusations devant le comité de discipline ». 

En rendant sa décision le 10 janvier 2024, le comité de discipline indique n’avoir aucune hésitation à conclure que la protection du public ne sera pas mise en péril par le retrait de la plainte en considérant trois facteurs :

  • l’état de santé précaire de l’intimé et son âge ;
  • sa retraite et la cessation de toute activité professionnelle ;
  • son engagement dûment signé.

En septembre 2019, M. Fequet avait déjà été déclaré coupable de trois chefs et condamné à des amendes de 7 500 $. 

Décision récente 

Dans un jugement du 23 avril 2024, résumé ici dans le Portail de l’assurance, Jimmy Fequet est mentionné à plusieurs reprises dans cette décision de 60 pages rendue par la Cour supérieure du Québec.

Après avoir rencontré M. Fequet plus de six semaines après le sinistre survenu en janvier 2018, le propriétaire faisait part de son insatisfaction quant au traitement de son dossier par l’assureur RSA et à ses représentants, dont un autre expert en sinistre. M. Fequet a été mandaté le 6 mars 2018 pour aider les sinistrés dans leur réclamation.

En contrepartie, souligne le tribunal, l’expert obtiendra « une rétribution équivalente à 10 % du montant de l’indemnité additionnelle à être versée par l’assureur au terme d’éventuelles négociations ».

Le 19 mars 2018, les sinistrés informent l’assureur qu’ils ne veulent plus procéder à la réparation de la maison et interdisent l’accès au chantier aux représentants de l’assureur. 

Dans cette affaire, l’incendie a causé de lourds dommages à la résidence des assurés, lesquels considèrent qu’elle est une perte totale. L’assureur estime qu’elle peut être remise en état et est prêt à régler la facture du chantier prévu sur environ trois mois. 

Incapables de s’entendre, les parties se retrouvent devant le tribunal en 2023. Dans son jugement, la Cour supérieure exprime de sérieuses réserves concernant le travail de M. Fequet. 

Un nouvel élément 

Après neuf journées de procès en janvier 2023, l’assureur demande une réouverture des débats le 10 mars 2023. Selon la déclaration sous serment faite par Dominic Aversano, de DA Option Gestion, l’expert en sinistre a joint à la réclamation des demandeurs une facture pour des travaux qui n’ont jamais eu lieu.

En témoignant au procès, M. Aversano indique que les factures ont été préparées à la demande de M. Fequet et qu’il a déjà vécu cette expérience de soi-disant « fausse facturation » avec ce dernier dans un autre dossier. Il ajoute que l’assuré est hors de cause. 

M. Aversano confirme que les travaux visés par la facture no 282, laquelle est datée d’avril 2019, n’ont pas été réalisés à la demande spécifique de l’assuré. Ce n’est qu’une fois la demande de réouverture d’enquête faite par l’assureur que ladite facture a été retirée de la liste des montants réclamés par les demandeurs. 

Le tribunal souligne que, selon l’assureur, sans le retard causé par les assurés et leur expert dans le traitement de la réclamation, entre le 6 mars et le 21 juin 2018, l’immeuble aurait été livré au plus tard le 1er juillet 2018. 

Dans une pièce de plus de 160 pages, l’expert Fequet confectionne une liste de biens meubles et textiles qui ne sont plus utilisables par les assurés. Quelque 378 d’entre eux sont l’objet de la réclamation acceptée par l’assureur, pour une valeur de 41 613,99 $. Après avoir appliqué une dépréciation de 25 %, l’assureur a remboursé 31 210,49 $ aux sinistrés.

La réclamation pour les 769 autres items est rejetée par le tribunal, qui ne juge pas « convaincante » la liste de 1 148 biens meubles et textiles confectionnée par M. Fequet, un témoin « pas particulièrement crédible, et dont les agissements et les écrits n’ont pas aidé à la résolution » du dossier, écrit-il au paragraphe 153.

L’arrangement sur la rémunération signée par les demandeurs « jette une ombre noire et dense sur l’objectivité et la fiabilité du travail de ce dernier, surtout à titre d’expert », ajoute le tribunal. 

La réclamation sur les frais de subsistance supplémentaires a aussi été largement rejetée par le tribunal, à l’exception de sept mois supplémentaires pour le logement temporaire des sinistrés.

Autre dossier 

Dans son jugement du 23 avril 2024, la Cour supérieure souligne une autre décision de la même instance, Seyer c. La Capitale assurances générales, où M. Fequet est intervenu. Le litige entre les assurés et la compagnie d’assurance a été tranché le 7 mars 2022.

Un incendie frappe un immeuble à Montréal le 13 mai 2015. Un premier expert en sinistre est rapidement mandaté par l’assureur. Les travaux de remise en état se poursuivent jusqu’en avril 2016.

Les copropriétaires sont insatisfaits des sommes payées par l’assureur. En janvier 2016, ils rencontrent M. Fequet. Ce dernier avise l’assureur en septembre 2016 qu’il a été mandaté par les assurés pour les représenter. 

À sa demande, l’assureur assigne le dossier à un autre expert en mars 2017. En mai 2018, un chèque est émis par l’assureur pour couvrir la balance du montant prévu au devis des travaux de septembre 2015. Malgré cela, les copropriétaires intentent leur recours judiciaire en octobre 2018. 

Dans ce dossier, l’assureur a dû verser 73 100,98 $ aux demandeurs, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle. L’indemnité correspond au solde impayé des travaux réalisés par l’entrepreneur. L’assureur est aussi condamné à payer 10 000 $ aux copropriétaires à titre de troubles et inconvénients.

En avril 2024, la Cour supérieure souligne la ressemblance du « modus operandi » de l’expert en sinistre dans cette précédente affaire et celle qu’elle doit trancher. Dans les deux cas, M. Fequet a réclamé qu’un nouvel expert soit nommé en remettant en cause la qualité du travail des experts mandatés par l’assureur. 

Après avoir rappelé qu’il aurait été préférable que les parties en viennent plus tôt à un compromis, le tribunal conclut ceci : « Compte tenu de leurs positions respectives, le montant initial réclamé par les demandeurs et, parfois, dû au comportement difficile de l’expert en sinistre des demandeurs, cela n’a pas été possible. » 

Encore active 

Selon les vérifications faites par le Portail de l’assurance dans le Registre des entreprises du Québec, la société Services-O-Sinistrés* (ou SOS Services) appartient toujours à M. Fequet, qui en est le président et principal actionnaire.

L’entreprise a fait sa mise à jour au Registre en avril 2024 et est active dans le secteur « autres services relatifs aux bâtiments et aux habitations », avec la précision « estimateur en bâtiment ». 

Le site Internet de l’entreprise, qui affiche une adresse à Repentigny, montre une « erreur 404 » quand on le cherche sur Google. Cependant, la ligne téléphonique fonctionne encore. La compagnie est désormais localisée à Mirabel. 

Interrogée par le Portail de l'assurance, la porte-parole de la Chambre de l’assurance de dommages, Gabrielle Lachance, indique que l’engagement pris par l’intimé ne concerne que son droit de pratique comme expert en sinistre. Elle précise que la surveillance des activités poursuivies par l’ex-représentant au sein de son entreprise ne relève pas de l’organisme d’autorégulation.

* Il ne faut pas confondre cette entreprise avec Soutien O Sinistrés (SOS), un organisme sans but lucratif fondé en 2001 qui fournit de l’aide aux personnes non assurées par l’octroi de don de biens meubles, de vêtements et de biens de première nécessité.