Le premier semestre de 2024 a encore une fois été marqué par la fréquence des orages convectifs majeurs dans les principaux marchés couverts par l’assurance, selon les bilans préliminaires récemment publiés par Gallagher Re et Aon plc.
Tous les montants sont rapportés en dollars américains. Gallagher Re estime de façon provisoire les pertes économiques à 128 milliards de dollars américains (G$) pour les six premiers mois de l’année. Les dommages estimés par Aon sont inférieurs, à 117 G$.
Près de la moitié de ces dommages étaient assurés, pour des montants estimés à 61 G$ par Gallagher Re. Selon Aon, les dommages assurés s’établissent à 58 G$.
Les orages convectifs majeurs (severe convective storms ou SCS) aux États-Unis ont causé d’importants dommages, estimés à 48 G$ par Gallagher Re, dont 37 G$ sont couverts par l’assurance. Le terme convectif désigne les mouvements d’air verticaux en météorologie.
Les pires épisodes sont survenus en mai. Dans son bilan, le réassureur souligne qu’en incluant les sinistres de ce type survenus l’an dernier, les dommages assurés reliés aux orages SCS totalisent 100 G$ seulement aux États-Unis sur une période de 18 mois.
En un seul semestre, l’année 2024 se classe déjà au 4e rang parmi les années les plus coûteuses pour les assureurs pour les dommages liés aux orages SCS. Une douzaine de ces événements extrêmes ont coûté plus d’un milliard de dollars en dommages assurés durant les six premiers mois.
Les scénarios analysés par Gallagher Re montrent qu’aux États-Unis, la saison des orages SCS commence de plus en plus tôt au printemps ; en sus, les superficies couvertes par ces pluies torrentielles sont de plus en plus étendues et frappent des agglomérations plus importantes au sud et à l’est du pays.
Un fardeau qui s’alourdit
Le réassureur exprime également une préoccupation quant à l’impact de ces conditions météorologiques sur la formation de tornades. Près de 1 300 tornades ont été rapportées aux États-Unis, dont 1 064 ont été confirmées par les autorités. Selon l’échelle de Fujita, quelque 34 d’entre elles ont été classées de catégorie EF3 (grave) et 3 de catégorie EF4 (dévastatrice).
« Comme c’est désormais largement admis, les coûts assurés associés au péril SCS aux États-Unis ont continué à générer une part plus importante des pertes annuelles ces dernières années. Ce facteur exerce une pression énorme sur les compagnies d’assurance primaires nationales et régionales, qui sont de plus en plus obligées d’absorber la plupart, sinon la totalité de leurs indemnisations, étant donné qu’une très petite partie des sinistres est confiée à la réassurance », indique Gallagher Re.
« Des coûts de primes de réassurance plus élevés pour obtenir des couvertures globales signifient que les assureurs paient plus pour une couverture identique ou inférieure. À mesure que les pertes des assureurs primaires augmentent et que les résultats trimestriels sont affectés, cela entraîne désormais une hausse des primes ressentie par les assurés résidentiels. Ces coûts de réassurance plus élevés sont à l’origine de l’essentiel des augmentations des taux de prime observées dans les 50 États américains ces dernières années. »
Au Texas
Les 16 mai dernier, un puissant derecho a frappé l’agglomération de Houston. Des rafales ont atteint 160 km/h, soit l’équivalent des vents d’un ouragan de catégorie 2. Cet événement montre l’impact que peut avoir un événement météorologique extrême lorsqu’il frappe une agglomération densément peuplée.
Ce seul événement a causé des dommages de 2,6 G$, dont 2 G$ sont assurés, selon Gallagher Re. Il a aussi causé huit décès.
Un malheur n’arrive jamais seul, selon le dicton. L’ouragan Beryl, qui a été l’ouragan de catégorie 5 à survenir le plus tôt dans la saison des tempêtes tropicales de l’histoire dans l’océan Atlantique, a aussi touché la même région du sud du Texas en juillet.
Après avoir dévasté les Caraïbes et des provinces du Mexique avant de frapper au sud du Texas, la tempête Beryl a étiré son parcours jusque dans la région des Grands Lacs. Elle aura causé des dégâts durant près de deux semaines.
Le rapport d’Aon prévoit d’ailleurs une saison estivale assez active en matière de tempêtes tropicales, en raison de la température élevée dans l’océan.
Le seuil
À propos du réchauffement climatique, Gallagher Re rapporte que la température moyenne terrestre du premier semestre de 2024 dépasse de 1,5 °C la température moyenne de la période préindustrielle. La donnée provient de la National Oceanic Atmospheric Administration (NOAA), qui compile des données depuis 1850.
Ce dépassement de ce seuil de 1,5 °C, qui est la limite du réchauffement imposée par l’Accord de Paris sur le climat, est significatif. Les scientifiques s’accordent pour dire que la tendance au réchauffement sera plus inquiétante si ce seuil est dépassé de manière répétée. L’élévation de la température des océans qui en découle a sur la fonte des glaciers aux deux pôles.
« De telles chaleurs extrêmes à l’échelle mondiale sont inquiétantes, car elles risquent de provoquer une fonte accrue des calottes glaciaires, d’augmenter l’intensité des cyclones tropicaux et de rendre les vagues de chaleur locales plus fréquentes et plus graves — ce qui confirme les projections des recherches sur le changement climatique. Il convient également de rappeler que les principales agences mondiales officielles ont des moyennes de référence préindustrielles différentes », indique-t-on dans le bilan semestriel du réassureur.
Des inondations
Dans les deux bilans, on constate que des inondations majeures ont frappé divers continents, notamment en Europe centrale du 30 mai au 3 juin dernier, pour des dommages estimés à 2,2 G$ par Gallagher Re. Les provinces de Bavière et de Baden-Württemberg, dans le sud de l’Allemagne, ont été particulièrement touchées par cet événement extrême.
Chez Aon, on rapporte pour le même événement des dommages assurés de 2,7 G$ et six décès. Ce sinistre arrive au 4e rang des plus coûteux du premier semestre en matière de dommages assurés. Les autres sont tous reliés à des orages SCS ayant eu lieu aux États-Unis.
Comparativement au sinistre Bernd, qui avait causé des dommages assurés de plus de 12 G$ en 2021, le volume de précipitations a été tout aussi important en 2024, souligne-t-on. Mais les pluies de 2021 sont tombées sur un territoire moins souvent frappé par ce type d’événement. De plus, la topographie des bassins versants, avec de nombreuses vallées étroites, a contribué à empirer les dégâts il y a trois ans.
Aon souligne que le gouvernement fédéral en Allemagne impose désormais aux assureurs d’offrir la couverture contre les inondations, après avoir songé à la rendre obligatoire.
Des inondations importantes ont aussi eu lieu au deuxième trimestre de 2024 au sud Brésil, du 28 avril au 3 mai. Aon rapporte 182 décès et des pertes économiques de 2,5 G$. De son côté, Gallagher Re estime plutôt les pertes économiques à 8,1 G$, dont 2 G$ sont des dommages assurés. À Porto Alegre, dans l’État du Rio Grande do Sul, on a enregistré près de 259 millimètres (mm) de pluie en trois jours.
Gallagher Re rapporte aussi le caractère exceptionnel de l’inondation survenue en avril à Dubaï, aux Émirats arabes unis, responsable de six décès. Ce sont 255 millimètres de pluie qui sont tombés en 24 heures. Ce petit État de la péninsule arabique reçoit en moyenne 80 mm de pluie par année. On estime les pertes à près de 8,6 G$, dont 2,8 G$ sont des dommages assurés.
En Chine, les inondations qui ont touché le sud et le centre du pays depuis le début de juin, et qui se poursuivaient à la mi-juillet, ont causé 150 décès et des pertes de 6,4 G$, dont seulement 440 M$ étaient couverts par l’assurance, rapporte Aon. Les pertes sont estimées à plus de 7 G$ par Gallagher Re, qui rapporte 200 décès reliés à cet événement.
Séisme au Japon
Les deux sociétés s’entendent aussi pour souligner que le tremblement de terre du 1er janvier dans la péninsule de Noto au Japon a été l’événement unique ayant causé le plus de dommages. Les pertes économiques de ce séisme sont estimées à 17,9 G$ par Aon, mais seulement à 12 G$ par Gallagher Re. Les dommages assurés sont estimés à 3 G$.
Ce tremblement de terre a aussi été l’un des sinistres les plus meurtriers de 2024, ayant causé 299 décès. Les sinistres rapportés par Aon ont causé au total environ 6 000 décès au premier semestre, ce qui est inférieur à la moyenne à long terme.
Bilan meurtrier
D’autres épisodes météorologiques ont été importants en termes de mortalité, selon le bilan d’Aon. Une canicule de trois semaines en juin en Arabie saoudite a causé plus de 1 000 décès. Une vague de chaleur au Pakistan dans les derniers jours de juin a entraîné 568 décès.
En Afrique orientale, on rapporte 576 décès liés à des inondations majeures survenues entre le 20 mars et le 30 avril.
En Inde aussi, durant tout le deuxième trimestre, la chaleur torride a été meurtrière, rapporte Gallagher Re. Le ministère de la Santé du pays rapportait 41 000 cas d’insolation majeure.
Le réassureur rapporte aussi l’important glissement de terrain survenu le 24 mai dans une région montagneuse de la Papouasie–Nouvelle-Guinée. Les autorités locales ont évalué qu’entre 670 et 2 000 personnes ont perdu la vie dans ce sinistre.