Derrière le logo, le nom, les couleurs associés à une marque, se cachent une multitude d’éléments servant à ce que les clients, actuels et potentiels, créent avec ces identifiants une relation de confiance.
Chez iA Groupe financier, on vise à garder l’éléphant à l’affut des nouvelles tendances. Chez Beneva, toute une stratégie est mise en œuvre pour les façons de se mériter la reconnaissance du public surtout avec la nouvelle identité lancée en 2020.
Ainsi, Véronique Boutet, conseillère principale de la marque chez iA Groupe financier, explique que la marque se doit de correspondre à des valeurs qui amèneront le client à s’y identifier, même si, de prime abord, les produits financiers, semblent équivalents : « L’image de marque a des traits de personnalité, elle agit, elle a des valeurs et elle a une promesse à livrer », résume-t-elle.
Un nom fort
Pour que cette « personnalité » fasse sens pour ceux qui la voient et en entendent parler, elle doit prendre ses racines plus profondément qu’une image, conçue dans les huis clos d’une équipe publicitaire. Elle correspond à une histoire, à une relation avec la population à qui elle s’adresse. L’entreprise a 130 ans. Ainsi, forte de sa longévité, iA mise beaucoup sur sa solidité et sa stabilité financière, que le côté « immense » de son éléphant totem représente assez bien, selon les sondages.
Louis-Philippe Roux, vice-président marketing et commercialisation chez Beneva, relate que son organisation a plutôt décidé de se concentrer sur l’accueil empathique de leurs agents : « C’est rare qu’un assuré aille parler à la direction : on parle souvent avec la première ligne. Et c’est pour cette raison que nous avons pensé qu’il était très important, à propos du service à la clientèle et de la proximité, de mettre nos employés de l’avant ».
Cette démarche stratégique, étalée sur trois ans, visait alors le double objectif de maintenir le lien avec les bons coups et les valeurs de mutuelles des organismes fusionnés, mais aussi de renforcer l’identité à l’intérieur de l’équipe elle-même, composée d’anciens concurrents devant dorénavant se percevoir comme un tout.
Remettre en question une seule des composantes de cette proposition générale peut ensuite apparaitre comme un raz de marée. Ce fut le cas, relate Véronique Boutet, lorsque iA Groupe financier a décidé de renoncer à son graphisme en noir et blanc, datant déjà de 2015 : « Alors on se disait ‟Si nous changeons cela, allons-nous perdre la reconnaissance de iA, qui est le fruit d’autant d’années d’efforts ?” C’est sûr qu’on s’est posé la question. Parce que c’était un de nos piliers de marque. »
Un équilibre fragile
Ces grandes identités n’ont toutefois pas le choix de se soumettre parfois au risque du changement, pour des raisons de tendance du marché. Parfois parce qu’une ritournelle ou un élément graphique perd de son efficacité, mais aussi lorsque l’organisation atteint une autre étape de son évolution. Louis-Philippe Roux mentionne un tel virage dans le discours de Beneva : « Au début, nous voulions expliquer le regroupement de deux compagnies qui se fusionnent; ensuite, nous voulions parler de ce que nous faisions et ce n’était plus le même message ».
Un changement aussi important que le nom s’imposait pour iA Groupe financier, puisque le terme « d’Industrielle » créait la confusion dans le marché pancanadien, où elle cherchait à développer son marché. Cette même intention a amené Beneva, au moment du choix de son nom, à en chercher un pour lequel la prononciation dans les deux langues officielles ne présenterait pas un obstacle. Mireille Côté, associée et présidente chez LG2, l’agence de marketing qui collabore avec Beneva, mentionne alors l’intention de miser sur une image « forte » et « cohérente », tout en cherchant des porte-paroles diversifiés.
Véronique Boutet croit qu’une variété de produits permet de ne pas se limiter à un seul auditoire. Le discours et les médias choisis peuvent alors varier : « Alors chaque type de produits, selon ses caractéristiques, selon ce qu’il offre, par exemple l’assurance vie temporaire, on la prend lorsqu’on est plus âgé et on prend une assurance vie permanente lorsqu’on est plus jeune. » Son équipe de marketing s’attarde donc à produire des discours ciblés, avec des modes de communication correspondant aux différents âges, ou même aux domaines professionnels, notamment pour conquérir les courtiers. Son organisation a même constaté le succès de ses campagnes sur TikTok.
Se démarquer de la concurrence
Véronique Boutet entrevoit néanmoins les campagnes grand public comme une nécessité pour ne pas perdre son avance sur la concurrence, surtout pour les produits comme l’assurance de dommages, pour lesquels les consommateurs changent plus souvent de fournisseurs. Pour ces grandes campagnes très coûteuses, elle et son équipe visent à ce que l’organisation devienne la première à apparaitre dans les esprits : « Avec notre campagne télé ‟iA toujours quelque chose qui arrive quelque part” […] on voulait quelque chose qui garde l’effet d’un vers d’oreille. »
Pour Mireille Côté, marquer les esprits ne suffisait pas. Il fallait aussi se démarquer, d’où le choix de la couleur, si intimement associée à la marque, à partir d’une analyse de toute la charte de couleurs de la concurrence : « Le seul espace qui était inoccupé, c’était justement le mauve. »
Cette couleur tranche avec le côté que Mireille Côté qualifie de « conservateur » du milieu de l’assurance. Mais Beneva avait de bonnes raisons de tenter cette innovation : « Parce que ce n’est pas rare dans notre domaine qu’un annonceur fasse une campagne avec ses dollars média et qu’ensuite, dans le sondage post-campagne, les gens disent ‟Je pensais que c’était la campagne pour une autre marque”. Ça, ce n’est vraiment pas drôle! »
Doser le risque
Véronique Boutet reconnait que son organisation s’identifie à des valeurs plus conservatrices. Et pour cause : ce qu’elle évoque comme la situation la plus catastrophique imaginable, en ce qui a trait à l’image, est tout ce qui pourrait avoir un parfum de scandale ou miner la relation de confiance avec le public. Elle décrit cette confiance comme la matière première pour un assureur : « On part de la confiance. Nous ne vendons pas un produit consommable comme une paire de souliers, pour laquelle on pourrait dire ‟C’est brisé, je vais le réparer.” Lorsque les gens font affaire avec nous, du côté assurance, c’est parce que, pour eux, ça ne va pas bien. »
Ce souci d’éviter tout ce qui pourrait choquer et ainsi fragiliser cette relation de confiance amincit aussi la marge de manœuvre de l’équipe de Véronique Boutet, lorsqu’il s’agit d’évoquer des situations où l’assureur peut intervenir : « Parfois on se disait : ‟Oui, mais il pourrait y avoir des blessés dans cette situation-là. On ne veut pas cela. Au contraire.” On veut rester dans les petites choses, dans le léger. »
Pour éviter ces impardonnables faux pas, avec un nom, un mot, une couleur ou une image qui frappe, ces responsables du marketing font ce que les assureurs font le mieux : mitiger le risque en le mesurant, insiste Louis-Philippe Roux : « Dans toute la stratégie qui nous amène à aujourd’hui, c’est de sonder, sonder et sonder encore, et suivre et mesurer pour justement ne pas perdre l’essence même de qui nous étions, pour s’assurer de propulser encore plus loin ce que nous sommes. »