Le 20 juillet dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré le représentant Zahir Ahmed Fancy (certificat no 111 944, BDNI no 1555821) coupable des 68 chefs de la plainte.

La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience. La décision a été publiée en anglais.

Pour 18 de ces chefs, où l’intimé a été déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures. 

Pour tous les autres chefs, les infractions sont reliées à l’article 17 (18 chefs) ou à l’article 35 (32 chefs) du Code de déontologie de la Chambre. Le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées au soutien de la plainte. 

La preuve soumise par le syndic n’a pas été contredite par l’intimé lors de l’audience tenue durant trois jours en décembre 2019, car le représentant brillait par son absence. Ce dernier se représentait lui-même lors des étapes préalables du processus disciplinaire, qui s’est étiré sur plusieurs années.

Le comité a autorisé le syndic à présenter sa preuve malgré l’absence de l’intimé, lequel avait été dûment convoqué.

Les faits 

Les gestes reprochés à l’intimé ont eu lieu à Montréal entre avril 2009 et septembre 2011. L’intimé a utilisé un stratagème similaire qui lui a permis de détourner les fonds d’au moins dix clients pour se les approprier, au lieu de les utiliser selon le mandat que ceux-ci lui avaient confié. 

Le modus operandi rapporté dans la plainte consistait à remplacer les polices détenues par les clients auprès de London Life par des contrats d’assurance vie universelle auprès de l’Industrielle Alliance. L’intimé promettait que les valeurs de rachat obtenues à la résiliation des polices allaient servir à investir dans les produits du second assureur qu’il présentait comme étant plus profitables. 

L’intimé détournait plutôt les fonds vers un compte appartenant à la société de portefeuille qu’il détenait, Services financiers Fancy, dont l’adresse était la même que celle de sa résidence principale.

La firme avait un contrat d’agence avec l’Industrielle Alliance entre avril 2001 et octobre 2011. Fancy utilisait les services de Maxplan comme agent général (MGA). 

Le chèque de London Life était remis à l’intimé. Il le confiait à Maxplan, qui le déposait alors dans un compte qui n’était pas en fidéicommis. Le MGA faisait alors un chèque du même montant à la société Fancy, qui le déposait dans un compte dont seul l’intimé avait l’usage.

L’intimé affirmait qu’il s’agissait de ses commissions et le fait que les montants étaient les mêmes n’était que pure coïncidence. Le comité n’a pas retenu sa version des faits.

L’intimé parlait d’une commission excédentaire de 140 % prévue dans l’entente avec Maxplan, mais ledit contrat ne parle que d’une commission de 120 %. L’intimé n’a jamais fourni la documentation requise par le syndic pour confirmer ses prétentions. 

Pour chacun des clients mentionnés dans la plainte, le processus était le même : l’intimé ne déposait pas le chèque du premier assureur ou du MGA dans un compte distinct et il n’investissait pas les fonds chez le second assureur comme il le promettait aux clients. 

Appropriation 

Les paiements du premier assureur n’ont jamais été investis dans les produits d’Industrielle Alliance. Lorsque les clients constataient le problème, l’intimé promettait de poursuivre la personne responsable et de les rembourser par la suite, ce qu’il n’a pas fait. Certaines victimes de cette fraude étaient des proches du représentant. 

Comme l’indique le comité, même si la commission excédentaire avait existé, elle aurait dû être payée par le second assureur après que les fonds aient été investis comme prévu dans les nouveaux contrats que l’intimé leur faisait souscrire. 

À l’enquêteur du syndic, l’intimé a prétendu que la représentante de Maxplan était la seule responsable de la non-remise des fonds entre les deux assureurs. Si cette allégation avait été crue par le comité, cela aurait signifié que l’intimé était au courant de la non-remise des fonds au second assureur et qu’il continuait malgré tout à recevoir les chèques de Maxplan. 

Cette représentante a déjà été sanctionnée en 2014. Elle a témoigné devant le comité. À sa demande, seules ses initiales apparaissent dans la décision du comité. 

Nouvelle adresse 

Pour réaliser son stratagème, l’intimé a plusieurs fois utilisé de fausses photocopies des signatures de ses clients et envoyé des avis de changement d’adresse aux assureurs (chefs 62 à 67) sans obtenir le consentement de ses clients. 

Pour les adresses, l’intimé a envoyé de tels avis à 41 reprises pour le compte de 38 clients. Chaque fois, il donnait l’adresse de sa résidence principale à Saint-Laurent, dans l’ouest de l’île de Montréal. Ces avis ont été envoyés entre décembre 2007 et septembre 2018 (chef 64). 

Entre mars 2009 et août 2010, l’intimé a répété cette méthode pour 23 clients distincts, en donnant l’adresse de sa sœur, Parveen Fancy, alors qu’elle résidait à Montréal (chef 65). 

Par la suite entre juin 2010 et septembre 2011, il a fait la même chose à 32 reprises, pour 31 clients différents, en donnant l’adresse de cette même sœur à une autre résidence à Saint-Laurent (chef 66). 

Enfin en 2011, entre les mois d’avril et de septembre, il a répété l’envoi de tels avis de changement d’adresse concernant 11 clients en donnant l’adresse d’une de ses employées à Pierrefonds (chefs 62, 63 et 67). 

Ainsi, les clients n’ont jamais reçu les relevés du second assureur. Par contre, les explications de l’intimé pour justifier ces changements d’adresse ne tiennent pas la route, selon le comité. Les clients ont témoigné n’avoir jamais autorisé un tel changement d’adresse.

Les chèques payés par le premier assureur représentaient des sommes allant de 3 346 $ à 12 552 $, et le total des sommes ainsi détournées est d’environ 101 659 $, selon les calculs faits par le Portail de l’assurance

Très long recours 

La plainte du syndic a été déposée le 14 décembre 2014. Le texte de la décision du 20 juillet 2022 ne permet pas de savoir pourquoi il a fallu tant de temps au syndic pour soumettre sa preuve au comité de discipline ni pourquoi ce dernier a pris plus de deux ans et demi pour soumettre ses conclusions. Il a fallu fouiller dans les décisions antérieures du comité pour en trouver la raison. 

Le 6 décembre 2019, le comité de discipline avait rejeté la requête de l’intimé qui réclamait le report d’audience. L’intimé ne s’était même pas présenté pour défendre sa demande lors de l’audience tenue deux jours plus tôt. Dans cette décision du comité, on précise que l’intimé ne s’était pas présenté en décembre 2015 lors de la première audience prévue pour entendre la preuve, en raison de ses problèmes de santé. 

Une nouvelle audience était prévue en décembre 2016, mais à la fin d’octobre, l’épouse de l’intimé indiquait que son état de santé ne s’était pas amélioré. Par la suite, le comité a tenu plusieurs conférences téléphoniques pour suivre l’évolution du dossier. En février 2019, le syndic a même été informé par l’intimé qu’il n’avait pas renouvelé son permis en Ontario, ce qui s’est révélé être une information inexacte. 

Permis suspendu 

Au moment des faits, l’intimé était certifié en assurance de personnes auprès de l’Autorité des marchés financiers. La déclaration de culpabilité ne précise pas à quel moment son certificat a été suspendu.

L’Autorité a obtenu un jugement du Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) le 30 mai 2019, lequel a été rendu public le 27 juin 2019, contre l’intimé, sa collègue et épouse Rashida Lila et le cabinet Fancy. Plusieurs ordonnances ont alors été prononcées à l’encontre de ces intimés, notamment l’interdiction de mener toute activité de conseiller, de courtier en valeurs mobilières ou de représentant en assurance de personnes.

Le TMF avait aussi ordonné à un assureur mis en cause de ne pas verser, partiellement ou en totalité et à quiconque, la valeur de rachat de contrats détenus par les intimés. L’assureur ne devait pas permettre d’effectuer un emprunt à même ces contrats. L’Autorité avait souligné l’urgence d’obtenir les ordonnances, car les intimés résidaient désormais en Ontario. 

Le 30 août 2021, l’Autorité annonçait qu’elle intentait une poursuite pénale contre les mêmes intimés comptant 20 chefs d’accusation pour diverses infractions à la Loi sur les valeurs mobilières

Processus maintenu 

Le 21 mai 2019, le syndic de la Chambre avait soumis une motion pour retirer sa plainte contre l’intimé. En prenant connaissance de la plainte de l’Autorité peu de temps après, le syndic a constaté que certains des manquements reprochés dans la documentation fournie au TMF étaient reliés à des activités survenues après le 2 décembre 2015, alors que l’intimé était censé être hospitalisé et soigné.

Les allégations de l’Autorité montraient que l’intimé continuait d’exercer ses activités en 2016 et 2017, période durant laquelle son épouse prétendait qu’il souffrait d’une dépression chronique et était inactif. 

Lors de l’audience tenue en décembre 2019 sur la requête en report, le psychiatre traitant de l’intimé à l’Hôpital Général Juif de Montréal a témoigné devant le comité. Le psychiatre a toutefois refusé de se prononcer sur la capacité de l’intimé à participer au processus disciplinaire. En 2019, les rencontres avec les thérapeutes de l’hôpital ont été annulées à plusieurs reprises, à la demande de l’intimé. 

À la même audience du 4 décembre 2019, le consommateur visé par les chefs 29 à 34 de la plainte a témoigné d’une rencontre tenue en mai 2016 avec l’intimé et son épouse. M. Fancy n’aurait alors jamais parlé de ses problèmes de santé et aurait promis un remboursement des sommes dues.