Le panel des assureurs au congrès annuel du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) est un événement suivi et commenté dans le réseau de courtage. La rencontre a eu lieu le 25 novembre dernier.
La discussion était animée par Éric Manseau, directeur général du RCCAQ, qui a tenu à souligner que Glen Bates, d’Economical, a dû décliner l’invitation, après l’avoir acceptée, à la demande de son PDG. L’arrivée de l’assureur sur les marchés boursiers a motivé cette décision.
Quatre habitués ont participé à l’échange : Yves Gagnon, chef de l’exploitation de L’Unique et d’Unica, Jean-François Desautels, premier vice-président, Québec et distribution numérique chez Intact Assurance, Jean-François Béliveau, premier vice-président Québec de Northbridge Assurance et Guy Lecours, vice-président principal de Promutuel Assurance. Louise Rivet, de Wawanesa, y participait également.
À la suite d’un sondage mené auprès de ses membres, les organisateurs ont retenu quatre thèmes de discussion qui préoccupent les courtiers :
- L’état de la situation dans le partenariat entre les assureurs et les courtiers ;
- le durcissement du marché en assurance des entreprises ;
- la rareté de la main-d’œuvre ;
- la transformation numérique.
Les quatre thèmes ont suscité de nombreuses réactions.
Une relation devenue compliquée
Le premier veut que la relation entre les assureurs et les courtiers en assurance de dommages a pris un peu de plomb dans l’aile en 2021, selon les données du RCCAQ.
En 2020, le regroupement avait sondé ses membres sur l’état de leur partenariat avec les assureurs, et la note moyenne avait été de 7,5 sur 10. En 2021, le même exercice révèle une détérioration du climat, la note moyenne accordée par les courtiers ayant chuté à 6,9. Chacun des dirigeants des assureurs a commenté ce résultat.
Chez Wawanesa
Louise Rivet, directrice du développement des affaires chez Wawanesa, en était à sa première présence dans le cadre de cet exercice annuel mené par le RCCAQ. Elle rappelle que l’assureur a choisi il y a trois ans de confier toute sa distribution au Québec au réseau de courtage. « Il n’y en avait pas de partenariat avant, on peut dire que ça va bien aujourd’hui », dit-elle.
Elle reconnaît que l’accès au marché et les difficultés en assurance des entreprises peuvent expliquer ce léger déclin de la note accordée par les courtiers aux assureurs. « Nous croyons aussi que les courtiers doivent être stratégiques dans leur approche », note-t-elle, si l’on veut diminuer l’écart entre le taux de satisfaction des assureurs et celui des courtiers.
Trois ans après l’annonce de Wawanesa avec le groupe des 11 cabinets de courtage, M. Manseau a demandé à Mme Rivet si l’assureur avait un plan pour élargir l’accès à ses capacités de souscription à un plus large bassin de courtiers. « On me le demande souvent depuis hier », dit-elle en souriant.
Avant de répondre à la question, elle a tenu à remercier les 11 cabinets qui ont établi cette relation d’affaires avec l’assureur en 2018. « On partait de loin, alors si on peut parler d’élargir le partenariat aujourd’hui, c’est grâce à eux », indique-t-elle. Elle rappelle que l’agenda de l’assureur a été occupé : les trois plateformes de Guidewire ont été implantées en deux ans, sans oublier les impacts de la pandémie.
Mme Rivet est en poste depuis 18 mois. Elle souligne que l’assureur partait de vraiment loin dans ses résultats techniques au Québec, alors qu’il affichait un ratio combiné de 150 %. « On est rentable aujourd’hui grâce à ces courtiers. Cela a été un travail énorme et on les remercie », insiste-t-elle.
« On est prêt à accueillir de nouveaux courtiers, mais nous allons le faire de manière progressive, sur plusieurs années », dit-elle. Wawanesa est une mutuelle fondée il y a 125 ans et elle se préoccupe de la qualité du service aux membres. L’assureur a bonne réputation pour la qualité de son service de réclamation en automobile et en habitation et a gagné des prix dans ces deux segments en 2020 et 2021, rapporte Mme Rivet.
« La dernière chose qu’on veut est d’ouvrir à d’autres courtiers sans que nous soyons prêts à leur donner un excellent service », dit-elle. L’assureur est classé au cinquième rang en assurance de dommages au pays, et le troisième parmi les assureurs à courtage, et ses objectifs sont ambitieux.
« Nous allons rester une mutuelle et nous allons continuer à investir dans le courtage. On pense qu’on peut prendre plus de place au Québec à moyen et à long terme », ajoute Mme Rivet.
Chez L’Unique
À propos de l’état du partenariat avec les assureurs, Yves Gagnon, chef de l’exploitation de L’Unique et d’Unica, affirme ne pas percevoir cette détérioration du climat avec les courtiers, en se fiant à la progression du volume de primes souscrites.
« Nous allons atteindre les 500 millions de dollars (M$) en primes ce mois-ci, après avoir commencé l’année à 423 M$ », dit-il. Une telle progression ne serait pas possible sans de bonnes relations avec le réseau de courtage, selon M. Gagnon. Il reconnaît néanmoins que la proximité des relations peut avoir souffert en raison de la pandémie.
Il est dans la culture d’entreprise chez l’assureur de considérer les courtiers comme étant des clients qui doivent être bien servis. « C’est le mot d’ordre chez nos souscripteurs », précise M. Gagnon.
Du nouveau personnel a été embauché depuis deux ans, alors il se peut que le mot d’ordre n’ait pas encore été compris, poursuit-il. « Dites-le si la relation s’étiole, nous allons vous écouter, je vous le promets. »
Plus tard, Éric Manseau a précisé les problèmes principaux rapportés par les courtiers dans ce sondage. Ceux-ci étaient reliés aux difficultés d’accès aux assureurs et la souscription des risques en assurance des entreprises.
Chez Intact
Par ailleurs, Jean-François Desautels, premier vice-président, Québec et distribution numérique chez Intact Assurance, souligne que le rattrapage de la tarification en assurance aux entreprises avait commencé avant la pandémie.
« Il y avait déjà des tensions dans le système. La pandémie a envoyé tout le monde travaillé à partir de la maison. Il y a eu des variations dans le niveau de service chez certains assureurs », ajoute-t-il.
La crise économique provoquée par la COVID-19 a aussi créé d’importants changements dans plusieurs segments d’affaires en assurance des entreprises. « Les courtiers ont joué un rôle très important dans les résidences pour personnes âgées », précise-t-il.
Après trois ans ou quatre années de resserrement de la tarification dans certains segments, il est normal que les relations soient plus tendues, selon M. Desautels.
Quatre firmes de courtage ont scindé leurs activités en assurance de dommages pour créer une agence Intact. Est-ce que ces agences seront favorisées au détriment des cabinets de courtage ? « La réponse est simple : non ! », indique Jean-François Desautels.
La création des agences a découlé de la consultation menée par l’Autorité des marchés financiers sur les modèles d’affaires à laquelle toute l’industrie a participé de même que le RCCAQ.
« Nous voulions offrir des options de distribution aux entrepreneurs », dit-il. Plus de 90 % de la distribution des produits d’assurance de l’assureur au Canada et aux États-Unis est toujours faite par l’entremise du courtage. « C’est le fondement même de ce qu’on fait depuis des décennies et nos plus récentes acquisitions montrent que notre intérêt n’ira pas en diminuant », ajoute M. Desautels.
Il n’y aura pas de système à deux vitesses chez Intact, car cela reviendrait à ternir la marque que l’assureur veut bâtir. « Ce n’est pas vrai que le client va subir un moins bon service d’indemnisation ou des retards dans les processus selon le réseau de distribution qu’il choisit », dit-il.
L’assureur continuera de générer de nouvelles affaires auxquelles les courtiers auront accès, sans distinction ni discrimination. « Ces leads sont accessibles à tout le monde et ça ne va pas changer », insiste Jean-François Desautels.
Chez Northbridge
Selon Jean-François Béliveau, premier vice-président Québec de Northbridge Assurance, les nouvelles affaires sont en hausse de 15 % en 2021 au Québec. Le volume de primes atteindra 450 M$ à la fin de l’année. Comme toute la distribution est confiée à des courtiers, il estime que la relation doit être bonne entre l’assureur et ses intermédiaires.
Comme Yves Gagnon, M. Béliveau croit que la relation de proximité a pu souffrir du caractère virtuel des échanges créé par le contexte de la pandémie.
« On le voit ici, avec ce congrès où on peut enfin rencontrer des gens en personne. Tout le monde est content de se retrouver », dit-il. L’assureur fête ses 10 ans d’existence et M. Béliveau affirme qu’il entend continuer ses efforts auprès du réseau de courtage pour satisfaire ses ambitions de croissance.
Chez Promutuel
Guy Lecours, vice-président principal de Promutuel Assurance, devait prendre la parole en premier, mais un pépin technique l’en a empêché. « J’aurais pu déjà dire tout ce que mes collègues viennent de dire », dit-il en souriant.
Selon lui, les propres sondages menés par l’assureur auprès des courtiers « montrent un taux de satisfaction quand même bon, mais je ne peux comparer les résultats avec 2020 ».
Le critère le plus important est la rapidité et l’efficacité des transactions. « La pandémie, le télétravail, le marché dur, c’est sûr que ça crée de la pression dans le système », reconnaît-il.
L’année a commencé difficilement chez Promutuel, avec la cyberattaque qui l’a empêché d’accepter de nouvelles affaires des courtiers durant tout le premier trimestre de 2021. « On n’était pas en mesure de donner le service, alors cela a pu avoir un impact », dit-il.
Cependant, le taux de croissance de 8 % affiché en 2021 montre que le rattrapage a été fait avec le réseau de courtage, malgré ce mauvais premier trimestre. Il remercie d’ailleurs tous les courtiers pour leur support montré durant la période où les activités ont été ralenties par le piratage.