Le 10 mai dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré la conseillère Josée Lefebvre (certificat no 120 837) coupable de deux infractions à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre.
La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience. Les gestes à l’origine de la plainte ont eu lieu envers le même client (C.R.) de Vaudreuil-Dorion entre avril 2019 et août 2020.
À deux reprises, l’intimée ne s’est pas acquittée du mandat qui lui avait été confié par la mandataire du client, la comptable J.P., concernant deux contrats d’assurance. Dans les deux cas, le comité estime que la fiabilité du témoignage de la comptable et la preuve soumise par le syndic contredisent la version de l’intimée.
Le contexte
Le client, qui œuvrait dans le domaine de la construction, est en arrêt de travail depuis le 5 mai 2017. Il est dans un état dépressif et il éprouve des difficultés organisationnelles dans son quotidien. La comptable J.P., qui est à la retraite, s’occupe de ses déclarations fiscales depuis plus de 15 ans.
En avril 2019, le client détient trois polices d’assurance, dont une couvre l’invalidité avec la RBC, et l’autre contrat est une assurance collective avec Great-West. Il mandate la comptable de s’informer auprès de l’intimée Lefebvre concernant sa situation, vu qu’il est sans revenu et incapable de travailler.
La comptable a transmis une procuration signée par le client dès le 29 avril 2019 pour le représenter auprès de la RBC pour son assurance invalidité. Ce n’est qu’en février 2020, après plusieurs relances de la part de J.P., que l’intimée finira par faire avancer le dossier auprès de l’assureur.
La demande de prestation est finalement préparée par la comptable elle-même avec l’aide du département des réclamations de l’assureur, et non avec la conseillère, qui se trouve alors au Mexique. La réclamation du client a été acceptée par la RBC en août 2020 et l’assureur lui a remboursé ses primes de façon rétroactive au 28 juillet 2018.
L’intimée affirme s’être acquittée du mandat confié par son client, puisque la demande de prestation d’invalidité a finalement été acceptée. Malheureusement, aucune note au dossier ne lui permet d’étayer ses prétentions.
La seule entrée au dossier du client montre que c’est en raison de l’intervention de la mandataire faite en février 2020 qu’elle a demandé les formulaires auprès de l’assureur. Le témoignage du représentant de l’assureur confirme le délai de 10 mois pris par l’intimée à agir.
La preuve
Le procureur de l’intimée a tenté de faire valoir que si le suivi fait par l’intimée dans le dossier « n’est peut-être pas souhaitable », il est « néanmoins acceptable » et ne constitue pas un manquement déontologique, car pour ce faire, ce manquement « doit revêtir une certaine gravité ».
Le comité réfute cette prétention et « considère inacceptable qu’une représentante prenne 10 mois pour faire la demande des formulaires de réclamation pour un client qu’elle sait psychologiquement perturbé et financièrement dans le besoin ».
L’intimée, après avoir obtenu et transmis les formulaires de réclamation à son client, recommande par la suite à la mandataire de s’adresser directement à l’assureur pour préparer ladite réclamation. Son comportement « démontre une insouciance inacceptable ».
« Un représentant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances n’aurait aucunement agi d’une telle manière », indique le comité au paragraphe 97, en ajoutant que ce comportement de l’intimée est « suffisamment grave pour constituer une faute déontologique ».
Autre contrat
Le 20 août 2020, une demande d’annulation de l’assurance collective est faite au nom du client par l’intimée. Dès le 16 septembre 2020, Great-West a annulé la police et a remboursé les primes rétroactivement au 1er avril 2019.
Dans les deux cas, l’intimée est déclarée coupable de ne pas s’être acquittée de son mandat pour obtenir les prestations d’assurance invalidité auprès de la RBC (chef 1) et pour procéder à l’annulation de son assurance collective détenue auprès de Great-West (chef 2).
Concernant le deuxième contrat auprès de l’assureur collectif Great-West, l’intimée affirmait qu’elle aurait suggéré dès avril ou mai 2019 à la comptable mandataire du client de simplement cesser de payer les prestations pour mettre fin au contrat.
L’intimée ajoute que la mandataire ne détenait pas une procuration de la part du client pour demander l’annulation du contrat, ce qui l’empêchait de demander directement l’annulation de la police auprès de l’assureur.
La mandataire est catégorique et affirme que ce n’est qu’en août 2020 que l’intimée lui aurait suggéré de procéder ainsi.
Dans les deux cas, le comité est confronté à la version contradictoire de la mandataire du client et de l’intimée. La version de cette dernière n’est pas jugée fiable, car elle n’est appuyée par aucune note au dossier. De plus, la preuve documentaire montre que l’intimée semble avoir oublié l’existence de la demande d’annulation de cette police, comme on le constate à la lecture de la correspondance d’août 2020, soit 16 mois après la demande.
De plus, en août 2020, l’intimée ne soulève aucunement le problème de l’absence de procuration et demande l’annulation de la police auprès de l’assureur Great-West. Le contrat sera résilié et les primes seront remboursées pour la période d’avril 2019 à août 2020 sans plus de formalités qu’un simple courriel envoyé par l’intimée.
Comme pour les raisons mentionnées au chef 1, le comité ne considère pas l’intimée crédible et n’accorde aucune valeur à son témoignage. L’intimée avait près de 30 ans d’expérience au moment des faits.