Alors que les acquisitions d’agents généraux par des assureurs se multiplient, iA Groupe financier veut intensifier l’expansion de son réseau de distribution indépendant pour disputer sa part du gâteau aux trois grands.

Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec les deux plus hauts dirigeants de l’assureur, en marge de son assemblée annuelle, tenue le 10 mai. Yvon Charest et Denis Ricard, respectivement, président et chef de la direction et chef de l’exploitation, ont souligné que les acquisitions de réseaux réalisées ces dernières années ont permis à l’assureur de bâtir une machine rentable.

Ils affirment qu’iA veut résolument prendre sa place parmi les grands. M. Charest y donne à titre d’exemple une statistique liée au bénéfice moyen de sa compagnie, comparé à ceux des assureurs qui le devancent en termes de parts de marché soit Financière Sun Life, Great-West Lifeco et Manuvie.

M. Charest souligne que le bénéfice net moyen d’iA Groupe financier représente 53 % du bénéfice net moyen de ses trois grands concurrents. Cette proportion était de 25 % en 2012.

M. Charest rappelle que ses concurrents peuvent miser sur leurs activités en Asie pour faire gonfler leurs bénéfices. Ce n’est pas le cas d’iA Groupe financier, qui compte prendre plus de place au Canada, où l’assureur y tire 95 % de ses profits.

iA Groupe financier se donne aussi pour objectif d’augmenter le bénéfice par action (BPA) de la compagnie d’au moins 10 % annuellement d’ici 2019. Cette croissance devrait provenir de ses affaires en vigueur, anticipent les deux dirigeants, qui comprennent aussi ses récentes acquisitions, telles celles de Patrimoine Hollis en 2017 et PPI Management en février 2018.

La distribution : plus que jamais le nerf de la guerre

Denis Ricard a toujours pensé que la distribution représentait le nerf de la guerre en assurance. La consolidation qui a cours chez les agents généraux a renforcé cette conviction, a-t-il confié au Journal de l’assurance.

Lorsque Great-West Lifeco a acquis Groupe financier Horizons, il était clair qu’iA Groupe financier devait faire partie du jeu, dit M. Ricard. Acquérir PPI a été un jalon important en ce sens, dit-il.

En acquérant PPI et son réseau de conseillers spécialisés dans le marché à valeur nette élevée, M. Ricard estime avoir du même coup acquis une équipe de direction solide et compétente. Il soutient que cette équipe pourra assurer le soutien aux conseillers actifs auprès des petits agents généraux achetés dans le passé.

Acquérir un consolidateur qui pèse lourd dans la balance du pouvoir de distribution permet aussi à iA de protéger son marché. « Lequel de nos concurrents dotés d’un réseau intégré osera fermer le robinet de l’Industrielle Alliance alors que nous distribuons leurs produits », fait remarquer M. Ricard.

Il a par ailleurs révélé que PPI deviendra la plateforme de son entreprise pour consolider le marché. D’ailleurs, après à peine plus d’un mois d’opération dans le giron d’iA, PPI a acquis le 10 avril ABEX Brokerage Services et sa filiale ABEX National Brokerage.

« PPI et Assurances Hollis ne resteront pas séparés »

M. Charest explique que la transaction s’imposait naturellement pour PPI, vu sa proximité avec ABEX dans la région de Calgary. « Plus petit que PPI, ABEX a deux sièges sociaux à Calgary. PPI n’a mis que cinq semaines à décider de l’acheter », relate-t-il. Son nom disparaitra au profit de celui de PPI, qui a complété l’intégration de ses opérations, ajoute-t-il.

MM. Charest et Ricard ont précisé que pour l’instant, PPI opère indépendamment de Les Assurances Hollis, entité de distribution résultant de l’acquisition de Patrimoine Hollis l’an passé. Centre national de courtage d’assurance (CNCA) a été fusionné dans Assurances Hollis. « PPI et Assurances Hollis ne resteront pas séparés », a révélé M. Ricard.

Il laisse entendre que les deux réseaux de distribution pourraient éventuellement fusionner, mais qu’aucune décision n’a été prise sur une telle fusion. « Actuellement, nous avons deux agents généraux : PPI et Assurances Hollis », a précisé M. Ricard. Assurances Hollis est présidé par John Hopkins.

Rentable de respecter l’indépendance

iA a aussi acquis beaucoup de petits agents généraux dans les dernières années. Tant pour ces plus petits joueurs que pour PPI, l’assureur tient à respecter l’indépendance des conseillers qui œuvre pour ses agents généraux.

« En termes absolus, un manufacturier est un peu plus rentable, convient M. Ricard. Mais l’acquisition d’un distributeur peut générer la même rentabilité à long terme. Nous obtenons un retour sur l’équité par rapport au prix que l’on paie. Outre le fait que nous pourrions vendre nos propres produits, la distribution en elle-même est une business intéressante. On l’a vu du côté de la gestion du patrimoine, un réseau que nous bâtissons depuis 15 ans. La même logique s’applique du côté de l’assurance. »

Ce respect de l’indépendance a payé : l’assureur récolte d’ailleurs le fruit des relations qu’il avait déjà bâties avec ses distributeurs avant de les acquérir. « Quand nous demandons à nos distributeurs une place pour aller faire valoir nos produits auprès de leurs représentants, ils nous disent toujours oui. Nous avons un accès privilégié », a confié M. Ricard, en précisant toutefois que jamais la compagnie n’imposera ses produits.

3 000 conseillers chez PPI

L’acquisition de PPI a ajouté un important réseau. « Plus de 3 000 conseillers font affaire avec PPI », a rappelé Yvon Charest.

Il a dit cependant ne pouvoir révéler la proportion exacte que ces conseillers placent chez PPI. « C’est la chose la plus difficile à déterminer, a répondu M. Charest. Y en a-t-il 1 800 qui passent par un plus petit agent général pour d’autres affaires ? Techniquement, personne ne le sait. Le modèle de conformité a donc ses limites au Canada. Qui sera responsable de la supervision du conseiller, PPI ou un autre agent général où il place ses affaires ? Aucun agent général n’a le portrait consolidé des affaires d’un conseiller. »

Du côté d’Assurances Hollis, M. Ricard indique que plusieurs conseillers privilégiaient déjà les produits d’iA. « Nous achetions dans le passé de petits agents généraux qui faisaient affaire avec nous et dont le propriétaire n’avait pas de relève, pour conserver la relation avec le conseiller. Plusieurs de ces conseillers plaçaient parfois jusqu’à 75 % à 80 % de leurs affaires chez nous. Nous avons acheté plusieurs de ces agents généraux au fil du temps, ce qui nous a donné une masse critique rentable. »

Quelle part de marché iA désire avoir dans le réseau indépendant ? Il est l’assureur qui a le plus d’unités de polices d’assurance en vigueur au Canada, avec une part du marché de près de 19 %.