Les dirigeants de la Fédération de l’industrie de la restauration après sinistre (FIRAS) estiment que les restaurateurs après sinistre n’ont pas la reconnaissance à laquelle ils ont droit. Ils aimeraient que l’industrie démontre plus de respect envers leur profession.

Lorsqu’il a été nommé président du conseil d’administration de la FIRAS il y a deux ans, Daniel Pellerin souhaitait que son organisme mette en valeur la valeur ajoutée que son industrie donne aux Québécois. Bien que des jalons aient été atteints en ce sens, il reste encore du travail à faire, dit-il.

Il souligne toutefois que quand le téléphone sonne chez son entreprise (il dirige Phoenix intervention après sinistre, à Sherbrooke) et qu’il entend la détresse des gens qui viennent de subir un sinistre, ça lui rappelle la raison d’être de sa profession. « Ça ramène de la confiance entre les restaurateurs après sinistre, les directeurs de sinistre et les assurés. Ce lien n’est pas brisé, mais il s’est amenuisé au fil du temps. Il ne faut pas oublier que la FIRAS a été mise sur place pour créer un dialogue, mais aussi générer des ponts pour que cette confiance s’accroisse », a dit M. Pellerin, en entrevue au Journal de l’assurance.

La Fédération a toutefois perçu une autre difficulté qui complexifie l’atteinte de ses objectifs. Bien des consommateurs ne s’intéressent pas à ce qu’ils souscrivent comme couverture d’assurance. Ils sont ainsi mal informés, mais plus exigeants dans leurs attentes face à leur assureur.

« Après un sinistre, le consommateur ne s’attend pas à ce qu’il y ait des étapes administratives. Il tombe des nues quand ça arrive. Il existe pourtant des outils développés par la Chambre de l’assurance de dommages, le Bureau d’assurance du Canada et l’Autorité des marchés financiers qui expliquent le tout. Le restaurateur peut devenir une courroie de transmission de ces informations. On peut transmettre de façon très transparente comment le tout va se passer », dit M. Pellerin.

Le président de la FIRAS croit que l’information donnée au client joue un rôle clé dans le processus. « En uniformisant la collecte et le partage d’informations, nous sommes capables d’informer l’assuré et l’expert en sinistre. Ça oblige le restaurateur après sinistre à coucher sur papier les étapes clés de ce qui se fera », dit-il.

Annie Arsenault, directrice générale de la FIRAS, aussi présente lors de l’entrevue, ajoute que laisser un document au sinistré le réconforte. « Il ne se souvient pas à qui il a parlé au départ. Pour lui, le restaurateur, l’expert en sinistre et l’assureur font la même chose », dit-elle.

Le président de la FIRAS souligne aussi que les moyens d’améliorer le traitement du sinistre existent. « On a des gens extraordinaires dans l’industrie, tant du côté des experts en sinistre, des souscripteurs et des restaurateurs. Il y a des irritants, mais si on ne les adresse pas, on ne peut travailler dans un climat de confiance », dit-il.

Mme Arsenault ajoute que la FIRAS tentera de multiplier les ponts à cet effet, notamment avec les experts en sinistre. « On veut voir comment améliorer les choses de chaque côté, comment enlever les irritants », dit-elle. Rien n’a été fait sur ce plan pour le moment, mais la directrice générale de la FIRAS dit que son organisme a la volonté d’entrer en relation avec les autres corps de métier de l’industrie.

Messages publicitaires mieux ciblés

La FIRAS avait aussi pour volonté de mieux définir son produit et son rôle. Ses dirigeants croient que de grands pas ont été faits en la matière. « Ce n’est pas juste grâce à la Fédération. Les réseaux de restaurateurs ont peaufiné leur message, notamment dans leurs publicités. Dans les 15 dernières années, nous sommes passés d’une industrie très méconnue à une dont les réseaux sont bien connus », dit M. Pellerin.

Annie Arsenault dresse aussi un parallèle avec le secteur de la carrosserie, dans lequel elle a déjà œuvré. Les carrossiers ont réussi à s’organiser et ainsi mettre en place des standards de qualité.

« Les restaurateurs n’ont pas cette crédibilité. Les carrossiers ont aussi eu à peaufiner la leur à l’époque. On convient qu’il y a de très bons restaurateurs et qu’il y en a des moins bons. Toutefois, il n’y a pas de respect envers notre industrie. Notre profession est dans le bas de la moppe. Pas en ce qui a trait à la qualité du travail qu’elle fait, mais en terme de reconnaissance », dit-elle.

La directrice générale ajoute que la FIRAS travaillera à faire reconnaitre la profession, car elle est essentielle. « L’assureur doit y faire attention. Il doit travailler avec nous, car nous sommes essentiels dans la résolution du sinistre. Le restaurateur est le lien de l’assureur avec le consommateur. Si le sinistré n’est pas satisfait lors du traitement du sinistre, il ne renouvellera pas son contrat », dit-elle.

Mme Arsenault se dit consciente que beaucoup de travail l’attend sur ce plan. « Il y a beaucoup de rassemblement à faire, mais aussi d’éducation. Les restaurateurs doivent se mobiliser, ce qui leur amènera une meilleure crédibilité. Le réseau était fragile, mais depuis la venue de la FIRAS, on voit des améliorations. Il y a beaucoup d’ouverture des assureurs. Ils ne sont pas contre de travailler avec nous. Ils ont la même préoccupation : s’occuper du sinistré », dit-elle.

La directrice générale de la FIRAS se donne comme principal mandat d’amener l’industrie à travailler ensemble. « On veut que les restaurateurs s’unissent, mais aussi que les assureurs et les experts en sinistre nous tendent la main. Nous avons commencé à peaufiner notre image et nous rencontrons nos membres régulièrement. On se doit d’être à l’écoute de leurs besoins. Nous voulons avoir notre voix, tout en travaillant avec l’industrie de l’assurance », dit-elle.

M. Pellerin révèle par ailleurs que l’exécutif de la FIRAS a mené un lac à l’épaule l’automne dernier. Un grand constat s’en est dégagé. « Nous ne chiffrons pas la valeur de ce que nous sauvons, ni de nos frais d’exploitation et de nos services, dit le président de la Fédération. Si nous pouvons ramener l’accent là-dessus, le consommateur pourra prendre une décision plus éclairée. L’expert en sinistre ira aussi se chercher un allié pour justifier les travaux qu’il recommande. Il faut en venir à identifier ce qu’on fait de bien, mais aussi ce que l’on pourrait améliorer. »

« On fait partie de la dépense »

M. Pellerin fait aussi remarquer que ce qui complique quelque peu la relation avec les assureurs est que les restaurateurs après sinistre font partie du segment des réclamations. « On fait partie de la dépense. Je le dis en toute humilité. Chez l’assureur, il y a deux branches, la souscription qui amène de l’argent, notamment par l’entremise du courtage. Les experts en sinistre la dépensent. Les restaurateurs sont la mise en œuvre des décisions de l’expert en sinistre. Nous sommes un mal nécessaire », dit le président de la FIRAS.

Mme Arsenault dit souhaiter que cette vision change. Elle aimerait que les assureurs en viennent à percevoir que les restaurateurs après sinistre puissent leur permettre de faire des économies.

« Nous voulons faire partie de la réduction de la dépense, mais aussi de l’amélioration de la satisfaction du client. Il faut en prendre conscience », dit-elle.

Mais pour cela, un dialogue est nécessaire, disent-ils. « Si on recule d’il y a deux ans, on n’a qu’à voir la réflexion qui se faisait entre tout détruire versus utiliser les techniques pour éviter le remplacement. Elle est là notre valeur ajoutée », dit M. Pellerin.

Climat de confiance

Le président de la FIRAS donne aussi en exemple la restauration d’une œuvre d’art. Payer 2 000 $ pour la restaurer peut être justifiable si elle en vaut 15 000 $, mais pas si elle a été achetée 150 $ dans un marché aux puces.

« Cette décision doit se prendre dans un climat de confiance. Mais si tout le monde cherche à se protéger les fesses, ça ne peut fonctionner », dit M. Pellerin.

Il souligne par ailleurs que les relations entre la FIRAS et les experts en sinistre sont très bonnes. La Fédération fournit d’ailleurs des articles pour le journal interne de l’Association des experts en sinistre indépendants du Québec (AESIQ).

« Il y a un échange et une ouverture des deux côtés. On travaille aussi avec le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ). L’industrie a une bonne ouverture envers la FIRAS », dit Mme Arsenault. « Je n’ai jamais entendu ces gens-là se dire surpris qu’il existe une fédération. Ça va de soi pour eux », ajoute M. Pellerin. « Ils ne comprennent toutefois pas que nous n’ayons pas plus de membres et qu’on ne réussisse pas à rassembler davantage les restaurateurs après sinistre », complète Mme Arsenault.

M. Pellerin reconnait aussi que les restaurateurs après sinistre ont des défis à relever, que ce soit au niveau de la variation des volumes de travail, des exigences des assureurs, des besoins de main-d’œuvre qualifiée, des couts d’administration de leurs opérations ou encore du transfert de responsabilités vers les restaurateurs. Le président de la FIRAS n’a pas voulu préciser davantage sa pensée sur ces points, mais a souligné que la Fédération avait récemment participé à des discussions générées par la Chambre de l’assurance de dommages quant aux transferts de certaines responsabilités dans le secteur du sinistre.