Selon les prévisions de l’agence Morningstar DBRS, publiées le 11 décembre dernier, les assureurs de dommages canadiens profiteront de conditions favorables en 2024. Les perspectives des assureurs sont généralement qualifiées de stables.
L’augmentation des sinistres naturels en 2023 a créé une demande supplémentaire pour les besoins de couverture d’assurance, ce qui crée un environnement favorable pour des ajustements tarifaires.
Le cycle actuel de resserrement des conditions de souscription (marché dur) sera toujours présent, tout comme la volatilité de l’inflation, les charges plus élevées de la réassurance et la hausse des événements catastrophiques liées au climat, indiquent les auteurs de la note.
La hausse des taux d’intérêt pèse sur l’économie, ce qui restreint l’ampleur des hausses de tarifs que pourront imposer les assureurs. L’agence estime que les décideurs de politiques publiques devront résoudre l’équation qui permet de maintenir l’équilibre entre la solvabilité des assureurs et la capacité de payer des assurés.
Il devient nécessaire d’adopter des mesures de mitigation de l’exposition aux sinistres climatiques. Si rien n’est fait à cet égard, les auteurs de la note estiment que l’accessibilité à l’assurance sera réduite, ce qui créera un environnement économique instable. Tout cela pèsera sur la solvabilité des assureurs et leur cote de crédit.
Morningtar DBRS souligne que sur les cinq assureurs de dommages canadiens dont elle surveille la cote de crédit, trois ont vu leur cote s’améliorer en 2023 : il s’agit d’Intact Corporation financière, de Société financière Definity et de Fairfax Financial Holdings, qui exploite notamment l’assureur Northbridge.
L’agence s’attend à ce que les revenus de placement augmentent en 2024, alors que les assureurs réduiront leur volume en obligations et en consacreront davantage de ressources dans des actifs offrant des marges plus élevées. Cela permettra de réduire, sans pour autant l’éliminer, le recours aux hausses de tarification.
La note rappelle aussi que plusieurs gouvernements provinciaux au pays ont imposé des limites aux hausses de tarifs en assurance automobile. Depuis le printemps 2022, l’inflation a créé une pression à la hausse sur les coûts de réclamation. On souligne que les coûts de location d’une automobile qui sont réclamés le temps que le véhicule assuré soit réparé ou remplacé étaient plus élevés de 67 % au troisième trimestre de 2023, comparativement aux coûts en vigueur avant la pandémie.
Du côté de l’assurance habitation, même après le ralentissement observé de l’inflation au fil des différents trimestres de 2023, les coûts de reconstruction sont 56 % plus élevés qu’ils ne l’étaient par rapport au dernier trimestre de 2019. L’agence constate que les hausses moyennes de primes en 2022 et 2023 sont demeurées inférieures à 10 %. En conséquence, elle estime que la tarification actuelle ne reflète pas encore la hausse des coûts de réclamation et que le rattrapage doit se poursuivre.
Les experts de Morningstar DBRS ne s’attendent pas à un relâchement des conditions de réassurance en 2024, ce qui contribuera à maintenir le marché dur tant en assurance de dommages des biens qu’en assurance aux entreprises. En conséquence, les assureurs devront consacrer une plus grande part de leurs capitaux afin de couvrir leur propre exposition au risque. Le coût de financement de ces capacités est aussi en hausse en raison de la hausse des taux d’intérêt.
Chez AM Best
Du côté de l’agence AM Best, dans l’édition de fin d’année 2023 de son bulletin mensuel sur l’industrie de l’assurance aux États-Unis, l’analyste Anthony Bellano constate lui aussi la hausse du nombre de sinistres qui entraînent des réclamations dépassant le milliard de dollars.
Dans le texte sur le climat, on rappelle le désastre causé par les incendies qui ont frappé à Lahaina, sur l’île de Maui dans l’archipel d’Hawaï. La hausse du nombre de catastrophes naturelles a d’ailleurs incité l’agence à réviser les perspectives du marché de l’assurance habitation aux États-Unis, qui sont passées de « stables » à « négatives ».
Chaque année depuis 2016, le ratio combiné des assureurs de dommages aux États-Unis a dépassé les 100 %, sauf pour une année. En conséquence, les résultats d’exploitation ont été dans le rouge également chaque année depuis 2017, sauf une exception.
Les experts consultés par AM Best s’attendent encore à une hausse des taux de la réassurance en assurance de dommages de biens en 2024. On observe aussi que la hausse des valeurs assurables a un impact sur l’exposition au risque couvert par les assureurs. Ceux-ci ont d’ailleurs réagi en étant nombreux à quitter la Californie et la Floride, fortement frappés par les sinistres climatiques. Les gouvernements de ces États ont imposé des contraintes supplémentaires aux assureurs en matière de tarification.
Dans un sondage mené par AXA sur les tendances en matière de risque, les assureurs expriment leurs préoccupations constantes concernant l’impact de la cybercriminalité sur l’économie. Après un certain ralentissement observé du côté des attaques par rançongiciels en 2022, les activités criminelles sont reparties à la hausse en 2023.
Selon l’expert de l’agence Sridhar Manyem, cette baisse survenue en 2022 était attribuable à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il estime que les cyberpirates ont repris le rythme normal de leurs activités.
Des départs et des arrivées
On attend prochainement la nomination du remplaçant de Jean-François Desautels comme vice-président principal d’Intact Corporation financière au Québec. Ce dernier entrera bientôt en poste comme président du groupe La Turquoise, où il prendra la relève de Pierre Simoneau, qui demeurera président du conseil. L’entreprise comporte le cabinet de courtage et aussi l’agence associée à l’assureur Intact.
Deux autres cabinets apparaissant dans le haut du Classement des grands cabinets de courtage du Québec ont annoncé leur fusion en décembre 2023. Il s’agit de PMT Roy et PMA Assurances. Le président du premier cabinet, André Roy, annonce son départ à la retraite. Patrice Jean présidera la nouvelle entreprise issue de la fusion, dont le nom reste à déterminer.
La transaction prenait effet le 1er janvier 2024. Les présidents des deux cabinets ont accordé un entretien exclusif au Portail de l’assurance après l’annonce de leur fusion. Le compte-rendu de cette conversation sera publié sous peu.
Tout comme La Turquoise, ces deux cabinets exploitent aussi une agence Intact. Une cinquième agence a été créée en 2023 par l’entremise du cabinet Harmonia Assurances, établi à Rouyn-Noranda. Le Portail de l’assurance s’est entretenu à la fin de décembre avec l’assureur pour en savoir plus sur le développement de son réseau d’agences. Nous y reviendrons prochainement.
Du côté du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), à l’occasion de son 50e congrès annuel tenu à Montréal, Maryse Rivard a été réélue comme présidente du conseil. Il y a aussi eu du mouvement au sein de la permanence à la fin de l’hiver.
Chez les assureurs, il y a aussi des changements à la tête de deux des plus importants assureurs de dommages du Canada. Chez Aviva Canada. Dans le premier cas, Jason Storah est retourné à Londres tandis que Tracy Garrad le remplace. Chez Intact Assurance, Anne Fortin a été nommée présidente dans un nouveau poste créé pour elle.
À l’Autorité des marchés financiers, Yves Ouellet est devenu PDG à la fin du mois d’août. Son prédécesseur, Louis Morrisset, avait annoncé au début de 2023 qu’il n’allait pas solliciter le renouvellement de son mandat.
À la Coalition pour une relève en assurance de dommages, Roxanne Hébert a été nommée directrice générale en mars 2023.
Au Bureau d’assurance du Canada, Celyeste Power est entrée en fonction au début de 2023 en tant que PDG, à la suite du départ à la retraite de Don Forgeron.
Le syndic
Au sein des deux organismes d’autoréglementation en assurance au Québec, le syndic a quitté ses fonctions. Du côté de la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) à peine 18 mois après son entrée en fonction, le syndic Yannick Chartrand a remis sa démission.
La ChAD n’a pas voulu préciser les circonstances entourant son départ. À la mi-décembre, la Chambre expliquait au Portail de l’assurance que la fin du contrat avait été l’objet d’une entente confidentielle. Le processus de sélection du remplaçant a été lancé à la fin de l’automne.
Dans un rapport d’inspection mené par l’Autorité des marchés financiers et publié durant l’été, on rapportait un certain nombre de préoccupations concernant le travail du bureau du syndic, notamment à propos du taux de roulement de son personnel.
À venir en 2024
L’année 2023 a été marquée par la recrudescence du vol de véhicules au Canada. Dès le mois d’octobre, Équité Association prévoyait une année record en fonction des chiffres du premier semestre de l’année 2023.
L’organisme spécialisé dans la lutte au crime d’assurance a annoncé le lancement de la plateforme ÉQ Aperçus en novembre dernier. L’ensemble des assureurs membres auront accès à ladite plateforme en janvier 2024. Il reste à voir si les nouvelles capacités d’analyse de données permettront aux assureurs de mieux combattre le crime organisé.
D’une année à l’autre, les véhicules les plus prisés par les voleurs sont les mêmes, rapportait Équité Association en novembre. À la fin de l’été, l’organisme pressait Transports Canada d’adopter une norme visant à forcer les fabricants automobiles à inclure un système antivol dans tous les nouveaux véhicules. Les discussions se poursuivent avec le gouvernement fédéral, indique Équité Association au Portail de l’assurance.
À l’Assemblée nationale, le gouvernement tentera de faire adopter le projet de Loi 30, déposé le 7 juin 2023 à l’Assemblée nationale. La pièce législative comporte deux changements importants. Le premier concerne la fin de la possibilité pour un concessionnaire automobile de vendre une garantie de remplacement sur un véhicule qu’il vend. Le second concerne le recours à l’utilisation des surnuméraires par les cabinets d’experts en sinistre.