Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a imposé une radiation de deux ans à Martin Luc Derome, une figure bien connue dans le milieu des agents généraux (MGA) au Québec. Il a plaidé coupable aux 48 chefs d’accusation déposés contre lui.

En entrevue au Journal de l’assurance, il a dit souhaiter que son cas devienne un exemple de ce qu’un agent général ne doit pas faire.
Tous les chefs sont liés à des gestes posés en 2010, sauf un, posé en mars 2011. On lui reproche entre autres d’avoir rémunéré des personnes pour qu’elles exercent l’activité de représentant alors qu’elles n’en avaient pas le droit (neuf chefs) et d’avoir remis à un représentant des montants provenant d’un partage de commissions autrement que par le cabinet pour le compte duquel il agissait (huit chefs).

Seize chefs sont liés à de fausses déclarations faites à des assureurs (Industrielle Alliance et Empire Vie), notamment pour avoir faussement témoigné de signatures sur des propositions d’assurance, et cinq autres pour avoir permis à un représentant de soumettre des propositions l’identifiant faussement comme le représentant du client. Enfin, il a aussi été reconnu coupable de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de plusieurs clients (onze chefs).

D’entrée de jeu et sans être représenté, M. Derome a plaidé coupable à toutes ces infractions. Dans son témoignage, il a souligné son étroite collaboration à l’enquête de l’Autorité des marchés financiers et à celle de la Chambre. Le syndic a reconnu que l’intimé avait « prêté une assistance particulière dans certains dossiers importants ». M. Derome a aussi déclaré que même s’il avait commis des erreurs, il n’avait « ni volé ni lésé » ses clients. Il a qualifié ses fautes « d’erreurs administratives », imputables au fait qu’il était débordé de travail.

Dans ses représentations, il a d’ailleurs rappelé son implication à titre d’intermédiaire dans une transaction de plus de 25 millions de dollars entre deux « groupes de distribution de produits financiers ». Il s’est dit accaparé par cette transaction au point d’avoir été insuffisamment attentif à ses activités de représentant. Il concède que cela n’excusait en rien ses erreurs, mais il dit qu’il n’avait alors pas réellement songé à ce qu’il faisait.

Comme l’intimé était d’accord avec les sanctions, le syndic de la Chambre a fait des recommandations communes au comité, après avoir fait valoir des facteurs atténuants en faveur de M. Derome (dont l’absence d’antécédents disciplinaires et d’intention malhonnête et son absence de préméditation), « ce dernier ne réalisant pas dans le feu de l’action la gravité des fautes qu’il commettait ». M. Derome ne possède plus de certificat depuis le 31 mars et ne fera pas appel de la décision.

En entrevue au Journal de l’assurance, M. Derome est revenu sur cette transaction dont la pression l’a amené à négliger certaines vérifications diligentes. « J’ai travaillé 70 heures par semaine durant un an dans le cadre de la transaction entre Groupe financier Horizons et Force financière Excel », a-t-il confié. (Note de la rédaction : M. Derome a joint Horizons en 2008 après avoir vendu son cabinet Justin Groupe financier.) Il admet notamment avoir erré dans le cas d’une rémunération qu’il a versée à un conseiller sans savoir que celui-ci n’avait plus son permis. « C’est un conseiller que j’ai aidé dans le transfert de ses affaires. Je ne savais qu’il avait fait quelque chose de louche. Pourtant, je n’aurais eu qu’à vérifier au registre des représentants », a-t-il reconnu. Autre accroc, il a laissé un actuaire qui travaillait pour lui soumettre des affaires à des assureurs en son nom. M. Derome dit avoir agi en tout temps en bon père de famille et a insisté sur le fait que la plainte était issue d’une inspection effectuée au hasard et non d’un client, d’un assureur ni d’un concurrent.

M. Derome souhaite par ailleurs que son cas devienne un exemple de ce qu’un agent général ne doit pas faire. Il lance donc un appel : « que les agents généraux (MGA) soient enchâssés dans la loi au plus vite et qu’une culture de conformité propre au MGA se développe. Il faut un règlement clair, qu’on sache quoi faire et quoi ne pas faire quand vient la tentation de couper les coins ronds sous la pression, ou pour aider quelqu’un. La même chose pourrait arriver à bien des petits MGA, car ce que j’ai fait, beaucoup d’entre eux le font. »

Il déplore ainsi que l’Autorité ait écarté du revers de la main la recommandation faite par le Regroupement des agents généraux du Québec en 2012, c’est-à-dire de faire de l’agent général un cabinet mandataire dont les activités de gestion seraient régies par les autorités. « C’est mort dans l’œuf ! »

M. Derome demeure actif dans l’industrie et entend désormais se consacrer uniquement à des fonctions de gestionnaire. « Je conserve mes fonctions de gestion chez Groupe Robillard », a-t-il ajouté. Depuis son embauche par Michel Robillard à titre de directeur général, l’an dernier, il a amorcé quelques transactions, dont celle qui a vu le Groupe Robillard prendre une participation importante dans le cabinet InfoPrimes, propriété de Marc-André Trottier.