La Cour supérieure du Québec donne raison à Intact compagnie d’assurance qui refusait de prendre la défense du président d’un commerce de détail spécialisé dans le milieu des équipements voués au déneigement, en faisant valoir l’exclusion prévue au contrat d’assurance responsabilité civile des administrateurs et dirigeants. 

La décision a été rendue le 4 mars dernier par le juge Denis Jacques, du district de Québec de la Cour supérieure. Le tribunal donne raison à l’assureur, car le litige qui impliquait les demandeurs avait pris naissance bien avant l’entrée en vigueur du contrat, le 30 mai 2018. 

Le demandeur Serge Pilon, président de Robitaille Équipement, est membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (Ordre des CPA). La société et son président réclamaient les frais de défense qu’ils ont dû payer à titre d’honoraires professionnels pour contester le recours, soit 133 870,76 $. 

M. Pilon a aussi réclamé à l’assureur les honoraires payés à ses avocats dans le cadre d’une plainte logée à son ordre professionnel, pour une somme de 12 570,55 $.

Pour les deux réclamations, l’assureur a refusé de couvrir les frais de défense en raison des clauses d’exclusion. 

Origine du litige 

En mars 2003, Guy Hamel a déposé une demande de brevet pour un modèle de lame à être installée sur de la machinerie de déneigement. Le brevet no 830 lui est accordé le 10 février 2004. 

Dès le 29 décembre 2003, M. Hamel et sa compagnie (9 125-6 651 Québec inc.) déposent une demande d’injonction contre Les Fontes PNS, alléguant une violation de leur brevet. L’ordonnance d’injonction permanente est prononcée le 19 septembre 2005 et concerne aussi les sous-traitants des Fontes PNS. 

M. Hamel soulève une contravention à cette ordonnance et intente une demande en outrage au tribunal contre la même société et contre Robitaille Équipement, alors identifiée comme sous-traitant des Fontes PNS.

En septembre 2007, le tribunal maintient la demande en outrage contre Les Fontes PNS, mais acquitte Robitaille Équipement. En février 2009, une nouvelle condamnation pour outrage au tribunal est prononcée contre la même société. La cour ordonne aux sous-traitants de cesser la vente de toutes les lames similaires au produit breveté. 

L’affaire revient devant le tribunal en 2016. La poursuite concerne Robitaille Équipement et Serge Pilon et d’autres distributeurs. En décembre 2017, la Cour supérieure distingue l’instance en deux parties, l’une sur la validité du brevet et les allégations de contrefaçon et l’autre sur les dommages réclamés. 

Le contrat 

En signant la proposition d’assurance auprès d’Intact en 2018, le mandataire de Robitaille Équipement confirme l’existence d’un litige pour violation de brevet « pour lequel nous ne croyons pas être en défaut ». Le contrat prévoit que la garantie proposée ne couvrira pas les réclamations qui découlent de faits ou de circonstances dont l’assurée a connaissance. 

En août 2021, la juge Suzanne Ouellet, de la Cour supérieure, délivre l’ordonnance recherchée contre un distributeur, mais la rejette à l’égard de Robitaille Équipement et Serge Pilon. Les saisies effectuées chez le commerçant sont déclarées abusives et annulées.

Une nouvelle requête pour l’émission d’une ordonnance d’outrage au tribunal est déposée en décembre 2021 contre les demandeurs. Peu de temps après, l’Ordre des CPA communique avec M. Pilon afin de l’informer qu’il est l’objet d’une enquête, en lien avec la poursuite qui vient d’être déposée. L’enquête de l’Ordre ne mène à aucune plainte disciplinaire. 

En mai 2022, l’expert en sinistre de l’assureur confirme aux demandeurs que la couverture est refusée en raison de l’exclusion fondée sur un litige antérieur. L’assureur réitère sa position en décembre 2022 à la suite d’une mise en demeure soumise par les procureurs des demandeurs.

En août 2022, la poursuite sera rejetée par le juge Étienne Parent, mais il refuse de déclarer le caractère abusif de la poursuite intentée à l’encontre des demandeurs. En janvier 2023, la Cour d’appel accueille les requêtes en rejet de l’appel logé par M. Hamel et son entreprise. 

Les motifs du tribunal 

L’obligation de l’assureur de prendre fait et cause de l’assuré est indiquée à l’article 2503 du Code civil du Québec. L’assureur est tenu d’opposer une défense si les actes de procédures énoncent des faits qui, s’ils se révélaient véridiques, exigeraient qu’il indemnise l’assuré relativement à la demande. 

Le tribunal analyse ensuite les définitions du contrat d’assurance responsabilité civile liant les demandeurs à l’assureur. Deux exclusions s’appliquent ici, soit celle concernant les litiges en instance ou antérieurs et celle sur la propriété intellectuelle.

En l’espèce, la contravention au brevet no 830, qui a fait l’objet d’un jugement en 2005, constitue la base de ce qui a provoqué la demande en outrage au tribunal déposée contre les demandeurs. 

Ces derniers soutiennent qu’ils n’étaient pas partis au jugement de 2005. Ils l’ont cependant été par la suite dans un autre jugement rendu en 2007, et encore en 2016. Le statut de sous-traitant de PNS a d’ailleurs été confirmé à l’encontre d’Équipement Robitaille dans le jugement rendu en août 2021. 

« À l’évidence, la demande de 2016 est antérieure à la proposition d’assurance et au début de couverture survenu le 30 mai 2018 », écrit le tribunal au paragraphe 55. 

Au procès, Serge Pilon confirme avoir bien compris l’exclusion relative au sinistre fondé sur un litige antérieur. La demande en outrage au tribunal a un lien direct avec le litige antérieur visant le brevet.

Il est manifeste qu’il y a au moins un lien indirect entre les deux qui justifie l’exclusion soulevée par l’assureur. Ce motif suffit pour rejeter la réclamation des frais de défense dans le cadre de l’outrage au tribunal. 

Par ailleurs, les honoraires de la défense de Serge Pilon dans le cadre de l’enquête de son ordre professionnel ne sont pas couverts non plus. L’assureur a eu raison de rejeter cette réclamation.

Le contrat d’assurance n’en est pas un couvrant sa responsabilité professionnelle. S’il avait été condamné par son ordre, la sanction ne pouvait être assimilée à une condamnation à des dommages indemnisables par l’assureur.