Société d’actuariat-conseil, Mercer Canada salue les mesures du budget 2023-2024 du gouvernement du Québec qui bonifient le Régime de rentes du Québec (RRQ). Mercer apprécie certaines mesures destinées à favoriser le prolongement de la vie active chez les travailleurs expérimentés.
Annoncées par le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, dans son budget 2023-2024, déposé à l’Assemblée nationale le 21 mars dernier, des mesures rehaussent certaines limites du RRQ pour encourager les Québécois à travailler plus longtemps. Les changements proposés au RRQ s’appliqueront à partir du 1er janvier 2024.
Dans son budget intitulé Un Québec engagé, le ministre Girard dit avoir utilisé la marge de manœuvre dont il disposait pour encourager le maintien en emploi des travailleurs de 65 ans et plus :
- Il hausse de 70 à 72 ans l’âge maximal auquel le travailleur peut demander la rente du RRQ.
- Aussi, ceux qui continuent de travailler même s’ils sont admissibles au RRQ pourront cesser d’y cotiser à partir de 65 ans.
L’accès à 60 ans maintenu
Du même trait, le budget du ministre Girard maintient la possibilité de recevoir des prestations de retraite du RRQ dès l’âge de 60 ans, plutôt qu’à 65 ans. Il n’augmente pas les pénalités de ceux qui choisissent de recevoir des prestations de retraite du RRQ avant l’âge de 65 ans.
La personne qui commence à recevoir sa rente de retraite à 60 ans verra sa rente réduite entre le moment où elle débute et le 65e anniversaire du rentier. Le facteur de réduction ira de 0,5 % par mois pour une rente de faible montant à 0,6 % pour la rente maximale.
La rente maximale que peut espérer un rentier qui commence à la recevoir à 60 ans est de 836,20 $ par mois, comparativement à 1306,57 $ pour la personne qui commence à recevoir la rente à 65 ans. La rente maximale à 60 ans correspond à 64 % de la rente maximale à 65 ans (voir tableau Montants mensuels maximaux pour les gens qui commencent à recevoir leur rente de retraite en 2023).
Ce maintien de l’accès au RRQ dès 60 ans rejoint aussi les vœux énoncés par Mercer dans le mémoire qu’il a présenté en février 2023 à la Commission des finances publiques du Québec (CFP). « Maintenir le premier âge de commencement des prestations à 60 ans ne devrait pas affecter la santé financière du régime de base à court terme. Ceci assure aussi une harmonisation avec les dispositions du Régime de pensions du Canada (RPC), ce qui nous semble souhaitable le plus souvent possible », peut-on lire dans le mémoire de Mercer.
Québec enlève des irritants
En entrevue avec le Portail de l’assurance, le conseiller principal du domaine avoirs de Mercer, F. Hubert Tremblay, a dit se réjouir que la voix de Mercer ait été écoutée par la CFP.
M. Tremblay constate que « la grande majorité des mesures proposées dans le budget 2023-2024 rejoignent les positions défendues par Mercer ». Retenir la main-d’œuvre vieillissante a été une préoccupation centrale de Mercer durant les consultations.
« Les modifications qui sont faites au RRQ devraient permettre de maintenir en emploi plus de Québécois dans le futur, en laissant plus de flexibilité. Le Budget règle certains irritants et devrait réussir à prolonger la carrière des gens, en moyenne », dit-il. Il ajoute que les modifications s’imposaient, alors que plusieurs secteurs économiques évoquent une pénurie de main-d’œuvre.
M. Tremblay souligne la possibilité de cesser de cotiser au RRQ à partir de 65 ans, ce qui n’était pas possible auparavant. « Avec les modifications, l’irritant disparaît. À partir de 65 ans, les travailleurs ne sont pas pénalisés. S’ils cessent de cotiser, leur rente ne diminuera pas. »
En reportant de 70 à 72 ans le moment auquel le travailleur doit obligatoirement demander ses prestations du RRQ, le Budget amène encore plus de flexibilité, croit F. Hubert Tremblay. « Ces gens auront une rente bonifiée », ajoute-t-il.
L’actuaire rappelle que le RRQ verse une rente à vie et indexée, ce qui est une protection contre l’inflation. « Pour les individus qui le peuvent, le report à 72 ans devient une merveilleuse façon de gérer le risque de longévité à la retraite », soutient M. Tremblay.
Éducation à faire
Les fleurs lancées, F. Hubert Tremblay estime toutefois difficile de prévoir comment les gens réagiront à ces nouvelles mesures. « Ce n’est pas au jour 1 que nous réussirons à convaincre tous ceux qui pourraient le faire de reporter leurs prestations du RRQ. L’industrie (des régimes de retraite), les fournisseurs de services et les employeurs ont encore beaucoup d’éducation à faire auprès de la population pour expliquer les mérites de reporter le début des prestations », croit-il.
Il y a aussi d’autres vents de face qui viendront selon lui influencer la date du départ à la retraite, par exemple la disponibilité d’une rente d’un régime à prestation déterminée de l’employeur. « Les gens qui y participent en fin de carrière auront encore accès à des dispositions généreuses de retraite anticipée. Ils seront peut-être plus motivés de quitter le marché du travail », explique l’actuaire. La rente d’un régime à prestation déterminée est versée à vie. Elle est souvent indexée. M. Tremblay pense que l’employeur jouera un rôle clé pour expliquer ce qu’il y a à gagner en repoussant le versement des prestations du RRQ.
De son côté, le gouvernement du Québec a confié à Retraite Québec le mandat de mieux expliquer aux travailleurs les avantages de reporter le début des prestations du RRQ, mentionne Mercer. La firme ajoute que le gouvernement élargira le rôle de Retraite Québec « en lui octroyant la responsabilité de réaliser des travaux de recherche sur la situation financière des retraités et du système de retraite en général ».
Marge de manœuvre
Comme énoncé dans son mémoire présenté à la Commission des finances publiques, Mercer a aussi obtenu que le régime maintienne une marge de manœuvre pour limiter le plus possible la probabilité de devoir augmenter la cotisation au RRQ à l’avenir.
Ainsi, le taux de cotisation au RRQ pour les travailleurs et les employeurs demeure le même. En 2023, la cotisation de l’employeur et celle de l’employé ont été établies à 6,4 %. La cotisation de 6,4 % se répartit en deux volets depuis que Québec a bonifié le RRQ le 1er janvier 2019. Travailleurs et employeurs doivent verser chacun une cotisation de 5,4 % au régime de base, soit le régime en place depuis 1966. Ils doivent verser chacun une cotisation de 1 % au régime supplémentaire ajouté le 1er janvier 2019.
Le seuil du revenu pour être exempté de cotiser au RRQ demeure de 3 500 $. Le maximum des gains admissibles au RRQ est établi à 66 600 $. Le taux de cotisation porte sur la portion du revenu compris entre ces deux limites. En raison du régime supplémentaire, le plafond augmentera pendant deux ans, soit en 2024 et 2025, jusqu’à ce qu’il atteigne 114 % du maximum des gains admissibles.
Aller plus loin
Le régime n’est toutefois pas allé aussi loin que le souhaitait Mercer dans l’utilisation de sa marge disponible. F. Hubert Tremblay signale que la rente du RRQ est bonifiée de 0,7 % par mois de report (soit 8,4 % par année de report) après 70 ans. C’est la même bonification que celle offerte à ceux qui reportent leurs prestations au-delà de 65 ans. « Nous estimons que plus nous avançons en âge, plus la bonification devrait être grande, pour encourager les participants au RRQ à reporter leurs prestations au-delà de 70 ans », dit F. Hubert Tremblay.
Mercer voit toutefois le report de l’âge maximal de 70 à 72 ans comme une première étape qui permettra de porter éventuellement cet âge à 75 ans. « Notre suggestion était de repousser l’âge limite à 75 ans », ajoute M. Tremblay. Il rappelle que le gouvernement prend ses décisions en fonction du coût du régime. « Ne pas utiliser une trop grande part de la marge de manœuvre est peut-être une façon de garder les coûts du régime sous contrôle », explique F. Hubert Tremblay.