Si l’assurance invalidité est souvent perçue comme complexe à vendre, l’amélioration du processus de souscription, l’innovation technologique et les nouveaux produits contribuent à inciter les Canadiens à se procurer cette protection.

Selon des chiffres tirés de l’enquête intitulée Annual Health Insurance Benefits in Canada Survey mené par l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), le nombre de Canadiens qui dispose d’une assurance invalidité a augmenté de 15,5 % entre 2005 et 2015, atteignant maintenant 11,9 millions de personnes. À la même période, les primes, soit l’ensemble des primes individuelles et collectives d’invalidité de courte ou de longue durée, ont cru de 51 %. Quant aux demandes d’indemnisation, elles ont augmenté de 59 %, passant à 7 milliards de dollars au cours de la décennie.

Plus simple et plus rapide

La pression pour que l’obtention d’assurance soit plus simple et plus rapide vient de partout, des milléniaux aux babyboumeurs qui essaient d’éviter de passer les examens médicaux en vue d’accélérer l’établissement de leur assurance. Les personnes dont l’employeur a sabré dans son budget d’avantages sociaux en en retirant l’assurance invalidité s’ajoutent aux demandeurs d’assurance. Tout comme celles qui cherchent à compenser l’inaccessibilité à une assurance invalidité tant qu’elles n’ont pas accumulé une certaine ancienneté chez leur employeur, expliquent divers experts interrogés par le Journal de l’assurance.

« L’assurance invalidité est désormais plus simple et rapide à obtenir. Elle répond ainsi aux attentes du client qui souhaite régler les choses aisément et prestement pour ensuite passer à autre chose », explique Micah Neale, spécialiste en prestations du vivant chez Desjardins.

Bon nombre de produits actuels ont fait l’objet d’une réduction des risques associés, si bien que les assureurs peuvent proposer des programmes de bonne qualité sans pour autant refuser 40 % des demandes comme par le passé, constate Neil Paton, PDG de The Edge Benefits. En conséquence, il ne faut plus, comme autrefois, attendre quatre mois avant de savoir si l’on obtient une assurance invalidité. Les clients qui demandent une assurance invalidité ne couvrant que les blessures ont accès à l’émission garantie. La police leur est envoyée à domicile dans les cinq jours, environ, précise-t-il. S’ils souhaitent ajouter la maladie aux blessures, ils peuvent se soumettre à un processus de souscription qui a été simplifié et qui dure généralement moins d’un mois, signale-t-il.

Alliance de distribution stratégique

Plus tôt cette année, Edge Benefits a amorcé une alliance de distribution stratégique engageant cinq agents généraux dans le but d’accroitre, au Canada, le nombre de conseillers financiers à traiter de prestations comme celles de l’assurance invalidité. Depuis, Edge a vu sa capacité à gérer les demandes de souscription en ligne augmenter au point de représenter environ 75 % de son chiffre d’affaires, tandis que 30 % des conseillers se servent du système à distance, énumère M. Paton.

De façon générale, le processus de souscription à l’assurance invalidité s’est grandement amélioré, ces dernières années, certains régimes autorisant des plafonds mensuels plus élevés qu’auparavant, rappelle David Szalkai, vice-président et associé, division assurance vie et invalidité personnelle, à la société Bedard Co. Life, à London, en Ontario.

Il signale que certains assureurs proposent des rajustements aux travailleurs autonomes qui ont droit aux déductions d’impôt ou au fractionnement des revenus, ce qui permet d’augmenter leur couverture en la faisant passer de 70 à 80 % du revenu. Ainsi, dans le cas d’une couverture de 100 000 $, le revenu mensuel maximal était auparavant de 5 000 $ par mois advenant une invalidité individuelle, et certains assureurs ont maintenant augmenté ce montant jusqu’à environ 5 400 $ par mois, illustre M. Szalkai.

Une foule de nouveaux produits

Au cours des dernières années, l’arrivée de produits novateurs — dont l’assurance dettes en cas d’invalidité — a attiré une nouvelle clientèle, fait remarquer Micah Neale, de Desjardins.

C’est un secret de Polichinelle que les Canadiens sont endettés. Or, si une personne en invalidité se trouve privée de revenus, elle ne pourra pas honorer ses obligations et risque de se retrouver dans le pétrin, selon l’institution financière avec laquelle elle fait affaire.

Il existe un régime qui ne tient pas compte du revenu de la personne, mais de son occupation. Ce nouveau produit vient tout juste d’être lancé. Ce régime d’assurance invalidité ne couvre que les dettes, par exemple l’hypothèque, les cartes de crédit et le prêt automobile jusqu’à concurrence de 6 000 $ par mois, explique M. Neale.

Par ailleurs, les conjoints qui demeurent au foyer peuvent désormais recevoir de l’assurance invalidité. Car même si ces conjoints n’ont pas de revenu à remplacer, ils participent entièrement à la cohésion familiale. Leur absence peut couter une somme rondelette au reste de la famille. Ce groupe a maintenant accès à une assurance invalidité pouvant aller jusqu’à 500 $ par mois, mentionne M. Neale.

Protection du revenu futur

Les produits visant les particuliers à valeur nette élevée sont aussi en émergence, relève Ken Hunter, directeur général de la firme Hunter McCorquodale.

L’un des produits traite de la perte de revenus futurs. Pensons par exemple à une jeune professionnelle, illustre M. Hunter, qui investirait son temps et son argent dans sa formation, des prêts étudiants et peut-être même l’achat d’un cabinet. Elle s’attend à avoir un jour d’assez bons revenus, mais cela peut prendre quelques années. D’ici là, elle doit se protéger au cas où une maladie ou une blessure chavirerait ses plans, l’empêchant d’atteindre ses objectifs financiers. Un médecin spécialiste peut prévoir gagner entre 400 000 $ à 1 000 000 $ par année une fois bien établi, mais il ne peut actuellement recevoir que de 5 000 $ à 6 000 $ par mois en prestations d’invalidité. Les prochains régimes de protection des revenus tiendront compte de cet écart, précise M. Hunter.

Originaire des États-Unis, ce régime d’assurance invalidité « a été mis au point pour répondre aux besoins des jeunes professionnels en s’ajoutant à ce qui leur est déjà traditionnellement accessible comme revenu de remplacement », dit-il. Hunter McCorquodale est partie du produit américain. Ses conseillers offrent actuellement l’assurance invalidité au Canada en même temps que ses autres solutions spécialisées.

Malgré l’arrivée de nouveaux produits et l’amélioration de la technologie, de nombreux conseillers en assurance vie — tous qualifiés pour vendre de l’assurance invalidité et les autres avantages — ont tendance à éviter de le faire, fait remarquer David Szalkai. L’assurance invalidité peut être un produit complexe avec lequel il est facile de perdre le fil, mentionne-t-il : le taux de réduction de la couverture est plus élevé, et les exclusions comme les surprimes sont plus fréquentes que dans le cas de l’assurance vie. « Il est aussi difficile de bien connaitre le domaine si on n’en traite pas au quotidien et qu’on ne se spécialise pas là-dedans », ajoute-t-il.

Les conseillers en assurance vie devraient néanmoins être plus à l’aise pour aborder l’assurance invalidité en tant que composante du revenu global d’un client, dit David Szalkai. Micah Neale estime que c’est aux conseillers en assurance vie de voir s’ils causent « assurance invalidité » avec leurs clients. C’est seulement dans ces conditions que le sujet fera partie de leur routine habituelle. « Si les conseillers en parlent, les ventes suivront. »