Québec déposera ce printemps un projet de loi sur le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER). Le gouvernement fédéral a incité les autres provinces à en faire autant, en déposant en novembre le projet de loi C-25 sur le régime de pension agréé collectif (RPAC). L’industrie applaudit ces initiatives, mais exige des ajustements.Ministre délégué aux Finances du Québec, Alain Paquet croit que son gouvernement a de bonnes chances de déposer un projet de loi sur les RVER plus tard ce printemps. Une commission parlementaire ouvrira ensuite la voie à des consultations.

« Les parties pourront déposer des mémoires et proposer des ajustements pour bonifier le projet de loi », a-t-il dit en entrevue au Journal de l’assurance. Le Parti libéral du Québec (PLQ) souhaite une adoption plus tard cette année pour pouvoir mettre en place les mesures législatives dès le 1er janvier 2013. Le ministre ajoute que l’intention des deux paliers de gouvernement consiste à harmoniser le cadre règlementaire des nouveaux régimes.

Les assureurs sont généralement enthousiastes envers le projet de Québec. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) s’est dite « confortable » avec le RVER, a dit au Journal de l’assurance son vice-président des affaires, Québec, Yves Millette.

Le représentant des assureurs à charte fédérale a passé ce message lors d’une table ronde organisée en avril par le cabinet d’avocats Fasken Martineau. Outre l’ACCAP, cette table réunissait entre autres le ministre délégué aux Finances, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI) et le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ).

M. Millette croit que l’avènement du RVER créera une avenue de croissance pour ses membres, dans un environnement concurrentiel. « Nous ne serons pas seuls dans le marché. Il y aura les institutions de dépôts et de valeurs mobilières. Peut-être verrons-nous aussi s’ajouter des caisses de retraite, des Teachers, des OMERS ou des Fonds de solidarité FTQ ». (NDLR : Teachers et OMERS désignent respectivement les caisses de retraite des professeurs et des employés municipaux de l’Ontario.)

Les assureurs se disent prêts. Plusieurs d’entre eux ont annoncé qu’ils mettraient un produit sur pied dès que possible. En vertu de la législation proposée, chaque institution pourra être l’administrateur d’un seul produit de type RPAC. Outre les assureurs, les institutions admissibles comprennent les banques et les compagnies de fonds communs.

Les assureurs sont convaincus de tirer leur épingle du jeu. Parmi les premiers à militer pour la création de régimes multi-employeurs au sein de l’ACCAP, la Financière Sun Life attend le signal de départ.

« Deux millions de Québécois n’ont pas accès à une forme ou une autre d’épargne-retraite. Le RVER nous donnera la chance d’aller les rejoindre », dit Sylvain Bouffard, directeur des affaires publiques pour le Québec chez Sun Life.

L’assureur a déjà une idée de son futur produit RVER. « Nous offrirons un fonds cycle de vie en tant qu’option de placement par défaut », a révélé M. Bouffard.

Malgré leur enthousiasme, les assureurs souhaitent que la législation soit clarifiée, voire ajustée, avant d’être adoptée. « Il reste un certain nombre de sujets à éclaircir », dit Yves Millette, de l’ACCAP. Par exemple, ce qui constituera un groupe admissible en vertu d’un RVER ou un RPAC n’a pas encore été défini.

M. Millette donne en exemple ce que prévoit la loi en assurance collective. Ainsi, un groupe ne doit pas être constitué pour des seules fins d’assurance. Il doit se constituer entre autres d’employés actuels ou anciens de l’employeur, ou de membres d’un ordre professionnel ou d’un syndicat, par exemple.

Craintes en épargne collective

Les craintes sont plus profondes dans le secteur de l’épargne collective. L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) et le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) se disent préoccupés par le cadre proposé, tant à Ottawa qu’à Québec. Les associations de l’industrie des fonds communs souhaitent que certaines dispositions des RVER et des RPAC soient élargies aux REER collectifs.

Pour sa part, le CFIQ a demandé au ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, un terrain nivelé en matière de fiscalité. « Les contributions des employeurs aux REER collectifs devraient être exonérées des taxes sur la masse salariale afin de créer une équité entre les différents régimes de retraite disponibles », a écrit le président du CFIQ, Stéphane Langlois, au ministre Bachand.

L’IFIC a demandé la même chose sous la plume de sa présidente, Joanne De Laurentiis, dans une lettre adressée à James Rajotte, président du comité permanent des finances de la Chambre des communes.

Le fait que l’employeur soit exonéré de ces taxes en vertu du RVER ou du RPAC l’incitera à transférer son REER collectif vers le nouveau régime uniquement pour bénéficier d’un avantage fiscal, a dit en entrevue au Journal de l’assurance Jon Cockerline, directeur des politiques et de la recherche à l’IFIC. « Cela nous préoccupe, dit-il. Nous pensons que certains aspects du cadre fédéral créent un terrain inégal en montrant une préférence pour le RPAC par rapport au REER collectif. »

Préoccupation écartée

Aussi, l’IFIC et le CFIQ s’inquiètent que les gouvernements fassent la promotion du RPAC ou RVER comme seule option pour les employeurs qui n’ont pas déjà un régime de retraite.

Le ministre Paquet écarte cette dernière préoccupation. « Nous ne prescrivons pas un seul modèle. Celui qui veut offrir un REER collectif pourra le faire. Au Québec, nous partons du constat que 50 % des Québécois ne disposent pas de régime offert par l’employeur. L’objectif est d’offrir une couverture à ces deux millions de travailleurs. »

Il ne croit pas non plus que le fisc favorise les régimes RVER ou les RPAC. « Les cotisations au RVER sont exclues des taxes sur la masse salariale, dit M. Paquet. En contrepartie, elles sont immobilisées et ne sont pas accessibles avant la retraite, contrairement à celles dans les REER collectifs. Nous ne trouvons pas opportun que les cotisations au REER collectif et au RVER soient traitées de la même façon. »

En ce qui touche le plafond des frais, M. Paquet préfère le principe à une formule qui préciserait un plafond. « Nous voulons stimuler l’épargne et faire en sorte que les participants puissent obtenir le meilleur rendement net possible », dit-il.

Le ministre ne balaie toutefois pas de la main toutes les préoccupations de l’industrie des fonds communs. « Pour notre part, nous avons reçu les soumissions du CFIQ, dit-il. Nous en avons retenu quelques éléments qui seront pris en compte dans la préparation de certains paramètres du projet de loi. »