L’industrie de l’assurance peut tirer profit de la blockchain. Elle lui permettra de sécuriser des transactions, réduire les couts liés à la conformité et lutter contre la fraude.

Clément Francomme est le PDG d’Utocat, une firme technologique qui a vu le jour en 2014, à Lille en France, et se spécialise dans l’automatisation des services bancaires. La jeune entreprise compte parmi ses clients BNP Paribas et AXA, chez qui elle implante son interface Blockchainiz.

Début avril, M. Francomme était de passage à InsurTech Québec, un évènement tenu dans le cadre de la Semaine du numérique à Québec. Il y a décrit la blockchain comme étant un « livre de comptes décentralisé ». Celui-ci a longtemps été associé à la cryptomonnaie, comme le Bitcoin. Ses propriétés sont toutefois bien plus vastes.

Le porte-monnaie électronique permet de connecter les utilisateurs, peu importe le logiciel utilisé. Il suffit d’une connexion à l’Internet. C’est le réseau qui garantit la validité de la transaction auprès du marchand participant.

Le système économique qui découle de Bitcoin est en expansion depuis 18 mois, après un lent démarrage. La capitalisation boursière a grandement varié depuis 2014, mais ce qui est plus stable, c’est la tendance à la hausse du volume de transactions traitées.

En 2016, on a dépassé le cap de 200 000 transactions par jour. Six mois plus tard, on en arrive à 300 000 transactions. C’est encore 1 000 fois moins que les opérations traitées par Visa. M. Francomme estime que d’ici dix ans, le volume traité s’en rapprochera si la croissance se poursuit sur la même courbe exponentielle.

Le pourcentage du cout du volume de transactions a chuté à 1 % en 2016, et il se rapproche du 0,5 % actuellement. Le cout moyen est déjà similaire à celui des systèmes de paiement traditionnels, estime M. Francomme.

Une infrastructure affublée d’une trace numérique

La technologie qui y est associée a permis de créer une information financière « irréversible et permanente », précise M. Francomme. L’infrastructure sous-jacente de la blockchain permet d’affubler chaque transaction d’une trace numérique, avec la date et l’heure, puis de l’associer aux autres transactions réalisées par l’utilisateur et ses contreparties. Elle conserve la preuve du travail réalisé pour chaque bloc de transaction. Ces blocs sont détenus par les utilisateurs eux-mêmes, et non par une autorité centrale, devenue inutile dans ce contexte.

Chaque nouveau bloc est relié à des blocs antérieurs. La puissance de calcul requise pour modifier l’ensemble du registre serait telle que le cout en devient disproportionné. Le registre ainsi créé est infalsifiable, poursuit Clément Francomme. « Le registre, une fois diffusé, est garant de l’information qui y est stockée. Ça devient le ciment numérique qui rend très compliquée la réécriture de l’histoire qu’il raconte », dit-il.

Le cout d’une attaque sur le réseau dépasse très largement les gains associés à l’usage normal du système. Selon lui, le même principe s’applique quand on installe un système d’alarme sophistiqué au domicile. On veut augmenter l’effort requis par le voleur au point de l’inciter à aller se procurer ailleurs les biens qu’il convoite.

Ouvert et accessible

Les transactions inscrites dans le système sont accessibles en clair. Il suffit d’avoir installé le logiciel de transaction entre pairs (P2P) et de se connecter au réseau. On peut retourner dans le temps pour trouver la trace de toute information associée à la transaction.

L’environnement crée une confiance numérique qui permet de sécuriser les relations entre les utilisateurs. On peut ainsi certifier des documents et suivre les procédures associées à l’exécution des contrats. Pour les services bancaires, on utilise déjà la blockchain pour la gestion d’actifs et l’automatisation des processus internes. M. Francomme cite en exemple la vérification des signatures et des décisions qui en découlent.

Il affirme que le cout de surveillance des règles de conformité touchant les services financiers est grandement réduit, grâce à la traçabilité accélérée des transactions. L’encadrement règlementaire exige que les institutions financières puissent nommer les parties aux transactions. L’interface développée chez Utocat est déjà compatible avec la législation de l’Union européenne en matière de protection des renseignements personnels (GDPR) qui entrera en vigueur en mai 2018.

Usages en assurance

Une fraude classique en assurance est d’obtenir une couverture chez plusieurs assureurs pour le même bien. Chaque assureur peut tenir son registre des souscriptions dans une blockchain. Une application lui permet de vérifier au moment de la souscription que l’objet qu’il a accepté d’assurer ne l’a pas déjà été par un confrère partenaire. La lecture de l’information est toujours gratuite. C’est l’écriture qui est facturée, précise-t-il.

Dans un réseau privé, l’assureur peut utiliser des clés de chiffrement pour préserver la confidentialité de certaines données. La traçabilité numérique des modifications apportées persiste dans le temps.

On peut aussi automatiser les phases de la déclaration de sinistre et de remboursement, poursuit Clément Francomme. Le contrat d’assurance est enregistré sous forme de programme (smart contract) qui est lancé automatiquement grâce à des renseignements fournis par une source de données certifiées. Une fois l’existence d’un sinistre confirmée, l’assureur peut rembourser plus rapidement l’assuré.

Rachat en assurance vie

En assurance vie, on peut aussi programmer le processus de rachat en utilisant la blockchain. En certifiant les différentes étapes et en garantissant les droits d’accès de chaque partie au contrat, on élimine les litiges, estime-t-il. Le suivi en temps réel permet de réduire le cout d’encadrement. L’assureur peut ainsi consacrer des ressources additionnelles aux activités qui ajoutent de la valeur à son offre, comme le conseil.