Une demande d’indemnité sur cinq (20 %) pour les maladies graves est rejetée par les assureurs. Ce taux élevé de refus préoccupe l’Autorité des marchés financiers et l’amène aujourd’hui à exiger des correctifs à l’industrie afin d’offrir de meilleurs outils et une meilleure information aux consommateurs qui achètent ce genre de produits.
Dans un rapport publié en décembre 2021, l’Autorité brosse un portrait de ce secteur à partir des informations qu’elle a obtenues auprès de 22 assureurs. Les primes d’assurance maladies graves ont totalisé près de 510 M$ en moyenne chaque année au Québec pour les années 2016, 2017 et 2018. Elles représentent environ 3 % du total des primes souscrites annuellement par les assureurs pour l’ensemble de leurs produits en assurance de personnes.
L’Autorité a répertorié plus d’une trentaine de maladies couvertes par ces polices, mais elles ne sont pas incluses à tous les contrats. Certains n’offrent qu’une couverture pour les maladies les plus fréquentes, le cancer à un stade mettant la vie en danger, l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral (AVC). Les maladies couvertes et leurs caractéristiques diffèrent d’un produit à l’autre, d’un assureur à un autre ou chez un même assureur, ce qui fait dire à l’Autorité qu’il apparaît difficile pour un consommateur de comparer facilement les choix offerts.
Un taux de refus qui devrait susciter des questions
Selon l’Autorité, un taux de refus supérieur à 10 % devrait susciter des questions chez les assureurs et les amener à en évaluer les causes. Or, il se situe à 20 % pour les maladies graves. « Les assureurs devraient déterminer si ce seuil met en péril le traitement équitable des consommateurs des consommateurs et, si tel est le cas, prendre les mesures appropriées pour corriger la situation », tranche-t-elle.
Les trois principales maladies qui ont fait l’objet de refus de la part des assureurs sont le cancer (65 %), l’infarctus (13 %) et les AVC (9 %). Plus de 60 % de ces refus étaient liés aux limitations ou exclusions, aux maladies préexistantes, au non-respect de la définition et aux délais de survie et de carence. Environ 5 % des assurés dont la demande a été rejetée ont demandé une révision. Dans plus de 80 % de ces cas, les assureurs ont maintenu leur décision.
La proportion de refus des demandes d’indemnités et les motifs invoqués démontrent nettement la nécessité de transmettre une information pertinente et complète au consommateur, avant et au moment de l’achat du produit pour lui permettre de prendre une décision éclairée vis-à-vis du produit, juge l’organisme de surveillance.
Meilleures explications des motifs de refus
L’Autorité a observé des lacunes dans les processus de traitements et de règlement. Or, insiste l’organisme, les motifs de refus doivent être clairement expliqués à l’assuré. Celui-ci doit connaître les raisons pour lesquelles son dossier ne répond pas à la définition de la maladie prévue au contrat ou les motifs d’application d’une limitation ou d’une exclusion. Le client ne devrait pas avoir à recourir à son médecin traitant pour comprendre les termes techniques de son assurance ou de la lettre de refus.
Usage de statistiques et de slogans
L’Autorité pointe des pratiques de l’industrie telles que l’utilisation de statistiques et de slogans dans la documentation destinée aux consommateurs. « La définition et les caractéristiques énoncées au contrat sont souvent plus restrictives que les statistiques présentées, critique l’Autorité. Quant aux slogans, ils ne devraient pas créer de confusion ou induire une compréhension erronée du produit chez le consommateur quant à la couverture offerte. Il faut éviter que le consommateur ait l’impression que la portée de cette couverture est plus englobante qu’en réalité.»
Des outils d’aide aux consommateurs
L’Autorité énumère une série de gestes et de mesures que devraient prendre les assureurs afin de mieux expliquer ces produits, telles que des outils, des guides, des lexiques ou des foires aux questions. Si la police est achetée auprès d’un représentant, elle rappelle que ce dernier est assujetti à une série d’obligations et de responsabilités, dont celle de s’enquérir de la situation de l’assuré afin d’identifier ses besoins et lui offrir un produit approprié.
L’Autorité estime qu’un accompagnement après l’achat d’une assurance maladies graves est également primordial afin de favoriser une meilleure compréhension par l’assuré de ses droits, qui peuvent inclure, selon la garantie choisie ou offerte : le remboursement des primes lorsqu’aucune demande d’indemnité n’a été transmise aux assureurs pendant la période de couverture ; la transformation du contrat, exemple en contrat d’assurance soins de longue durée à un certain âge, tel 65 ans ; ou la possibilité de renouveler le contrat.
Obligations de l’assuré
L’accompagnement après l’achat doit aussi favoriser une meilleure compréhension par l’assuré de ses obligations, dit l’Autorité. Par exemple, déclarer à son assureur certains événements à l’intérieur des délais au contrat tel qu’un diagnostic de cancer dans un délai de carence. Lorsque de telles déclarations sont reçues des assureurs, certains offrent les deux choix suivants à l’assuré : résilier la couverture avec le remboursement des primes versées ou maintenir cette couverture pour les autres maladies que celles visées par le diagnostic, mais sans ajustement de la prime.
L’Autorité appelle aussi les assureurs à améliorer leurs programmes de formations et fournir des outils de référence appropriés à leurs réseaux de distribution afin qu’ils puissent assumer de manière adéquate leurs responsabilités et leurs rôles d’accompagnement et de conseils envers leurs clients.
L’Autorité souligne dans son rapport qu’elle fera un suivi des plans d’action soumis par les assureurs à l’égard des maladies graves, qu’elle continuera à suivre l’évolution des pratiques dans ce secteur et prendra les « mesures appropriées lorsque requis ».