Les agents généraux ont indéniablement pris de l’importance dans la distribution de l’assurance vie et santé. Le ministère des Finances de l’Ontario affirme que ces cabinets représentent aujourd’hui le principal canal de distribution pour les assureurs de personnes, représentant 65 % de toutes les nouvelles primes d’assurance vie et santé au Canada — un secteur qui générerait 2,4 milliards de dollars par an. 

Cependant, la Loi sur les assurances de la province, rédigée avant l’existence des agents généraux, des agents généraux associés, des comptes nationaux et d’autres entités, n’a qu’une portée limitée sur ces entreprises : les assureurs et les conseillers en sécurité financière doivent être titulaires de permis, mais cette couche intermédiaire, entre les assureurs et les conseillers, a été laissée à elle-même pendant des années. Dans le jargon de l’industrie, en anglais, on les défini par les termes MGA et AGA. 

« Nous préférons toujours une approche fondée sur des principes, mais il faut des normes minimales solides. On ne peut pas simplement dire “faites ce que vous voulez” parce que chacun l’interprète différemment. » - Phil Marsillo

Un processus de changement lent est toutefois en cours depuis plusieurs années. Il a démarré par l’analyse du travail et des responsabilités de ces acteurs dans la distribution. C’est l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF) qui l’a amorcée en coopération avec le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA).

Les régulateurs ont ensuite produit un rapport indiquant avoir trouvé des preuves de traitements inéquitables des consommateurs et de mauvaises pratiques de la part d’agents généraux associés et de leurs conseillers, ainsi que des lacunes dans leur supervision par certains assureurs. Le tout a culminé avec l’annonce récente du ministère des Finances de l’Ontario au début de l’été, proposant l’obligation pour ces cabinets de détenir un permis d’exercice

Joints par le Portail de l’assurance, certains acteurs de l’industrie affirment que leurs organisations ont spécifiquement demandé la création d’un tel permis. 

Phil Marsillo

Phil Marsillo est président-directeur général d’IDC Worldsource Insurance Network Inc. Il est également président de l’Association canadienne des agences de courtage en assurance vie indépendante (CAILBA). Il affirme que des normes minimales solides sont nécessaires. « Nous cherchons une uniformité dans le secteur pour toutes les organisations de distribution », dit-il. « C’est pourquoi nous avons dit que si vous allez dans cette direction, vous pourriez aussi bien aller jusqu’au bout et créer un permis pour les agents généraux en assurance vie. » 

Il souligne notamment que la législation ne doit pas laisser place à l’interprétation. Selon lui, dans les systèmes où les organisations peuvent faire ce qu’elles jugent bon en fonction de leur taille et de leur complexité, chaque acteur aura une idée différente de ce à quoi la conformité ressemble. 

« Nous préférons toujours une approche fondée sur des principes, mais il faut des normes minimales solides. On ne peut pas simplement dire “faites ce que vous voulez” parce que chacun l’interprète différemment. Il doit y avoir une normalisation. » Il ajoute que les rôles et responsabilités de chaque partie prenante devraient être clairement définis. De même, il affirme que si le régulateur doit interpréter les contrats entre les assureurs et les agents généraux, des lignes directrices pour ces contrats ainsi que des attentes en matière de responsabilités devraient également être établies. « Nous ne voulons pas que cela soit laissé à l’interprétation », dit-il. 

Les contrats et responsabilités actuels 

Alana Scotchmer, associée chez Gowling WLG, un cabinet d’avocats, souligne qu’il fait partie des obligations réglementaires des assureurs de gérer les risques des tiers, ce qui inclut leurs canaux de distribution. 

« La manière dont les assureurs gèrent cela actuellement est par le biais des contrats », dit-elle. « Si l’assureur doit s’assurer que les produits sont vendus équitablement et qu’ils ne discriminent pas les clients – toute la gamme de choses dont un assureur doit s’occuper – ils transmettent cela à l’agent général via le contrat. Mais cela laisse vraiment cette question à la discrétion de chaque assureur, et les approches peuvent être très différentes d’un assureur à l’autre, et d’un agent général à l’autre. » 

« Quelques pommes pourries gâchent tout. Je pense que la majorité fait un bon travail. Cela les rendra encore meilleurs. » - Naunidh Hunjan 

Le résultat final, ajoute-t-elle, est une grande diversité d’approches et d’accords. Certains assureurs supervisent bien leurs agents généraux. D’autres, en revanche, leur délèguent des fonctions sans avoir une idée précise de ce qui s’y passera. « C’est ce qui est problématique. » 

Bien que les cadres réglementaires doivent être suffisamment flexibles pour tenir compte du fait que différents acteurs traitent les choses différemment, elle ajoute que lorsqu’un résultat uniforme est souhaité, ce n’est pas une manière efficace de réglementer. 

Dans le système actuel, cette large gamme d’approches conduit à un terrain extrêmement inégal. « Il y a eu beaucoup d’histoires négatives récemment sur les consommateurs et les produits d’assurance vie et santé », dit-elle. 

Naunidh Hunjan, souscripteur agréé et président de l’agent général associé Hunjan Financial Group Inc., est un ardent défenseur du concept de permis proposé. Selon lui, la majorité du secteur fait du bon travail pour les clients. « Quelques pommes pourries gâchent tout. Cela les rendra encore meilleurs », dit-il. 

Phil Marsillo pense la même chose. Il ajoute que le secteur a versé plus de 16 milliards de dollars en prestations de décès en 2022 avec peu de problèmes. 

Il fait référence à des histoires récentes où à la fois un agent général et un assureur ont permis à un conseiller de percevoir une commission importante sans détenir un permis d’exercice. 

Économies de coûts 

L’un des avantages promis du nouveau régime, selon le régulateur ontarien, sera de générer des économies de coûts, grâce à la normalisation. M. Hunjan ajoute que les économies de coûts se matérialiseront également lorsque les représentants qui pourraient constituer un risque seront éliminés par le système. 

M. Hunjan a été témoin de changements réglementaires similaires dans le secteur des valeurs mobilières. Il prévoit que ceux qui exercent à temps partiel seront contraints de choisir entre la profession et ses obligations, ou de renoncer à leur permis. Ce pourrait être le cas de ceux qui détiennent un permis en assurance vie en plus d’un emploi comme agent immobilier. 

« Cela va nous rendre plus efficaces. Les personnes qui ne pouvaient pas gérer la conformité ont tout simplement quitté le secteur », dit-il. 

« Ajouter cette couche de complexité à une entreprise signifie souvent que certains petits acteurs sont évincés. » - Alana Scotchmer 

Il y a bien plus d’exigences en matière de conformité en valeurs mobilières, ajoute-t-il. « Quand je l’ai vu, tous les travailleurs à temps partiel ont été éliminés, et cela a rendu ceux qui étaient déjà bons, plus efficaces. Ils ont fini par gagner plus d’argent, car ils devaient passer plus de temps dans leur entreprise à cause de la conformité. » Cela arrivera dans le secteur de l’assurance vie. 

M. Hunjan et Mme Scotchmer disent que le nouveau régime rendra probablement le système plus solide dans son ensemble. Le seul inconvénient, selon Mme Scotchmer, pourrait être le coût de la conformité. « Chaque fois que vous avez une réglementation accrue, cela signifie que les gens doivent passer plus de temps et de ressources à se conformer », dit-elle. « Les coûts sont répercutés sur les consommateurs, quoique très indirectement, mais cela finit par coûter plus cher à tout le monde. » 

Il est à prévoir que les coûts de conformité pourraient mettre une pression supplémentaire sur les petits acteurs. « Ajouter cette couche de complexité à une entreprise signifie souvent que certains petits acteurs sont évincés », ajoute-t-elle. 

M. Hunjan dit que finalement, lorsque la poussière est retombée dans le secteur des valeurs mobilières, les changements ont été positifs — les questions que les conseillers devaient soudainement poser à leurs clients ont conduit à plus d’affaires et créé plus d’occasions. « Cela nous a donné la possibilité d’offrir plus de valeur à nos clients. Je suis presque certain que c’est ce qui va se passer ici. » 

Dans les autres provinces 

Au Canada, des exigences de délivrance de permis pour les agents généraux sont déjà en place en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, tandis que le Manitoba, la Colombie-Britannique et l’Ontario sont à différents stades d’exploration. 

« Les risques sont les mêmes d’un endroit à l’autre, non ? L’Ontario constate qu’il y a des risques dans le canal de distribution et la plupart des assureurs exercent leurs activités à l’échelle nationale », dit Mme Scotchmer. « S’il y a des risques inhérents au canal de distribution, d’autres régulateurs vont s’y intéresser. » 

Quant à la rapidité de mise en œuvre de ces développements, elle souligne qu’en Ontario, le processus a commencé par la collecte d’informations il y a plusieurs années et qu’il faut encore modifier la législation provinciale pour reconnaître la nouvelle surveillance du régulateur — un processus qui pourrait facilement être perturbé par une élection, par exemple. « C’est un peu difficile à prévoir », dit-elle. 

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), représentant les assureurs, n’a pas pu commenter avant la date limite de soumission des commentaires au ministère des Finances de l’Ontario, qui est fixée au 9 septembre. 

Changement à venir pour les agents généraux en assurance de dommages ?

Fait intéressant, bien que cet effort actuel soit strictement axé sur les agents généraux en assurance vie, il semble que ceux en assurance de dommages pourraient vivre un processus similaire.

En février 2024, l’Autorité de réglementation des services financiers de l’Ontario a publié ses intentions de supervision pour les assureurs de dommages. On y observe des détails sur un examen à venir des arrangements entre ces assureurs et leurs agents généraux.

Alana Scotchmer, associée chez Gowling WLG, affirme que la taille et la portée du marché des agents généraux en assurance de dommages sont examinées. Les questions du régulateur devraient se concentrer sur la diligence raisonnable des assureurs dans le choix des cabinets, sur les pratiques de supervision des fonctions confiées à un tiers et sur les pratiques commerciales qui peuvent créer un risque accru de préjudice pour les consommateurs.

« L’ARSF a identifié plusieurs domaines de préjudice potentiel pour les consommateurs lorsque les assureurs externalisent des fonctions aux agents généraux », écrit-elle dans une note de mars 2024 intitulée Protection des consommateurs d’assurance IARD non automobile : les sociétés de gestion d’assurance sous la loupe de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers.

La non-divulgation des conflits d’intérêts, les retards dans l’accès à la couverture, les plaintes des clients, la gestion des réclamations, l’adéquation des assurances erreurs et omissions existantes et d’autres éléments figurent parmi les informations que le régulateur devrait demander.

« Les agents généraux sont également très présents dans le domaine de l’assurance de dommages. L’ARSF a juste commencé à collecter des informations sur ce que font les agents généraux dans ce domaine également. Je me demande si cela va prendre la même direction dans ce secteur », dit-elle.