Ann-Rebecca Savard

Présidente de l’Association de la relève des services financiers (ARSF), Ann-Rebecca Savard a lancé le congrès annuel 2023 de l’ARSF en énonçant le thème de la journée : inspirer l’ambition ! Ils étaient 250 dans la salle du Club de golf métropolitain d’Anjou, sur la pointe est de l’Île de Montréal.

Rencontrés par le Portail de l’assurance en marge de l’événement, de jeunes conseillers ont dit pratiquer leur profession depuis à peine un ou deux ans ; d’autres avaient franchi le cap des cinq ans, seuil critique pour tout entrepreneur. L’un d’eux a dit : « Ce n’est pas 250 personnes qu’il devrait y avoir aujourd’hui, mais 500 ! » Parmi les personnes présentes dans la salle figuraient aussi des représentants d’agents généraux et de compagnies d’assurance.

« Dans notre industrie, ça respire la jeunesse », a lancé Christian Mercier, président et chef de la direction d’UV Assurance, lors du panel intitulé Les perspectives des services financiers de demain. Il a répondu ainsi à une observation sur la moyenne d’âge élevé de la cohorte des conseillers financiers. M. Mercier dit observer que la génération montante pense différemment, est motivée et comprend son rôle avec une nouvelle énergie.

D’ici 2025, nous voulons être capables d’entendre et analyser l’une de vos idées, puis de la mettre sur le marché en 6 à 8 semaines - Christian Mercier 

M. Mercier explique que sa « petite » mutuelle de 200 employés bénéficie de sa proximité avec les jeunes conseillers indépendants qu’elle dessert. « Vous jouez un rôle important pour nous. Nos employés entendent vos préoccupations, vos idées. C’est dynamisant. Le défi d’un assureur comme nous sera d’être capable de vous suivre ! La génération montante influencera notre façon de travailler et la façon dont on opère au quotidien. D’ici 2025, nous voulons être capables d’entendre et analyser l’une de vos idées, puis de la mettre sur le marché en 6 à 8 semaines », dit-il.

Christian Mercier

M. Mercier croit que le marché de l’assurance et de l’investissement se transformera dans les prochaines années. « Vous êtes sur la ligne de front et c’est vous qui nous aiderez à transformer ce marché, dit ce PDG qui a œuvré une longue partie de sa carrière dans le domaine militaire. Nous voyons cela dans une forme de partenariat en complémentarité : nous mettrons sur la table des produits qui n’existaient pas, et c’est vous qui en aurez eu l’idée. » 

En guise de recommandation pour réussir dans l’industrie en tant que conseiller, il dit : « Soyez convaincus de ce que vous faites et vous serez convaincants. À vous de prendre votre place ! » 

Intelligence artificielle et ChatGPT 

D’autres ont soulevé l’enjeu d’un éventuel robot conseiller alimenté par l’intelligence artificielle et ChatGPT. Cela a fait réagir Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière : « L’humain ne sera pas éjecté, mais il devra avoir une proposition de valeur au niveau des conseils ». Elle croit que tous les conseillers devront s’adapter à ces nouvelles technologies. « Je ne vois pas cela comme une concurrence, mais comme l’un des outils qui pourront aider le professionnel du secteur financier », dit Mme Farley.

La PDG de la Chambre surveille toutefois de près l’évolution de ces outils, et met en garde contre la prolifération des outils qui pourraient biaiser les décisions des assureurs. « L’outil ne doit pas devenir un moyen de contrôler les habitudes de vie des clients. Le modèle des assureurs est basé sur la prédiction des risques. S’ils ne peuvent plus les prédire, quelle sera leur proposition de valeur ? » 

Chef de Manuvie Québec et chef des finances, assurance collective, de Manuvie Canada, Alexis Gerbeau ne pense pas non plus que le robot remplacera l’humain, et voit davantage l’intelligence artificielle comme un moyen d’épauler la tarification des produits et la détection de schémas de fraude en assurance collective. « Environ 25 % de nos produits sont tarifés par l’intelligence artificielle en ce moment. Nous visons à augmenter cette proportion à 80 % », révèle M. Gerbeau. 

Selon Alexis Gerbeau, le robot qui pourra répondre à des questions à la place d’un humain n’est pas pour demain. Il perçoit toutefois des applications possibles de ChatGPT « dans un avenir rapproché ». « On peut penser à des centres d’appels qui permettent de transiger avec un robot virtuel plutôt qu’un humain, mais nous n’avons pas du tout dans nos cartons de remplacer le conseiller », dit-il. 

De son côté, Christian Mercier envisage l’intelligence artificielle comme un moyen pour les conseillers d’alléger leurs tâches. « Comme conseillers financiers, vous devez vous intéresser à ces outils, car ils peuvent remplacer certaines de vos fonctions administratives et de suivi », suggère-t-il.

Christian Mercier n’entrevoit pas avant 5 ans l’émergence d’un robot capable de prodiguer des conseils. Il doute que sa naissance soit une révolution. « Je ne crois pas que les jeunes, même les Z, voudront faire affaire avec des robots pour obtenir des produits d’assurance vie ou financiers qui ont une certaine complexité », dit-il. 

Le PDG D’UV Assurance croit qu’il faut focaliser sur la personne à servir : l’assuré. « Le rôle du conseiller financier sera fondamental dans les prochaines années, d’autant plus qu’il y a un déficit d’éducation financière au Québec », soutient-il.  

« Vous trouverez plein d’informations sur le Web, mais pas de conseils. Je ne crois pas que le robot sera assez intelligent un jour pour comprendre votre situation personnelle en détail et saisir les nuances nécessaires à son analyse complète », observe Christian Mercier.