Les prêts à l’investissement connaissent depuis peu une démocratisation qui a vu la stratégie de levier passer d’un marché d’investisseurs privilégiés à un marché d’investisseurs à revenus moyens. Ces investisseurs à la recherche d’un coup de pouce pour atteindre leurs objectifs de retraite constituent d’ailleurs une niche idéale pour les conseillers financiers.Les baby-boomers font de plus en plus l’objet de sondages révélant leur difficulté à atteindre leurs objectifs de retraite (voir Le Journal de l’assurance, Les baby-boomers ne sont pas prêts à la retraite, p. 18, janvier 2007). Dans un tel contexte, les prêts à l’investissement sont rapidement devenus une manne pour les conseillers qui cherchent de nouvelles solutions aux angoisses de leur principale clientèle.

Les prêts à l’investissement sont souvent appelés « prêts leviers » parce qu’ils permettent à l’investisseur de faire fructifier l’argent d’un tiers partie à son avantage et ce, à peu de frais. Les produits les plus récents permettent même d’emprunter sans mise de fonds ni garantie, signe que le marché s’étend à une clientèle aux moyens plus modestes.

Ingénieur en informatique et consultant dans le domaine des stratégies de prêts leviers, Talbot Stevens a toujours cru que tous peuvent bénéficier de cette stratégie afin d’atteindre leurs objectifs de retraite plus rapidement. À la recherche de nouveaux débouchés, des institutions financières lui ont demandé de se pencher exclusivement sur cette question, il y a plusieurs années.

Il a, depuis, bâti des logiciels qui permettent aux conseillers et aux investisseurs de développer une stratégie de prêts leviers à leur mesure. Il a aussi écrit un livre qui fait l’apologie du prêt levier, Financial Freedom Without Sacrifice, ouvrage dont il a vendu 145 000 exemplaires. Talbot Stevens a aussi développé des sessions de formation en stratégie de prêts leviers pour les conseillers financiers.

Assis aux premières loges, M. Stevens a vu ce marché autrefois réservé aux « riches » se démocratiser en faveur des investisseurs à revenus moyens. Une niche qu’il croit idéale pour les conseillers financiers puisque, selon lui, les gens fortunés n’ont pas besoin d’un conseiller pour recourir à cette stratégie.

« En 2001, les prêts leviers sans appel de marge n’existaient pas, maintenant ils sont devenus la norme», observe Talbot Stevens. Des institutions conservatrices qui se tenaient loin de ce genre de prêts n’hésitent pas à le faire aujourd’hui, ajoute-t-il en faisant référence aux banques et aux compagnies d’assurance.
L’avenir de ce marché selon lui : les investisseurs moyens et moyens-élevés qui ont une bonne capacité de rembourser un prêt et qui ont besoin d’un coup de pouce pour atteindre leurs objectifs de retraite.

Ce qu’il voit en outre, c’est un marché qui va s’élargir de plus en plus à mesure que les conseillers financiers maîtriseront cette stratégie d’investissement.

Les institutions sentent aussi le momentum. « Nous sommes dans la phase croissance de ce produit », lance Tricia Barry, vice-présidente du marketing chez B2B Trust. L’idée d’emprunter pour investir n’est pas nouvelle mais l’idée de gagner facilement une plus grande présence sur les marchés financiers, souvent du quitte au double, retient de plus en plus l’attention, observe Mme Barry. « Dans certains produits, le client n’a même pas à fournir une garantie. »

Le marché potentiel devient plus large, et cela se passe maintenant, clame-t-elle. Plusieurs conseillers qui n’avaient jamais vraiment fait de prêts à l’investissement commencent à le faire maintenant, ajoute Mme Barry. « C’est une stratégie de croissance qu’ils destinent à leurs clients baby-boomers. »

Encore les baby-boomers? Selon elle, cette classe d’investisseurs est surtout composée de gens dont la capacité d’épargne est accaparée par leur maison et leur REÉR. Il ne leur reste donc plus ce dollar en extra qu’ils ont pourtant besoin d’investir pour atteindre leurs objectifs de retraite. Les conseillers cherchent des moyens d’aider ces clients à trouver ce dollar supplémentaire, explique Mme Barry.

Directeur des produits chez Banque Manuvie, Scott Bergen remarque également cet élargissement du marché potentiel. « Il y a beaucoup plus de produits dans le marché qui rendent le levier plus accessible que jamais à une plus large clientèle », remarque M. Bergen.

Chez Manuvie qui connaît une croissance continue dans ce secteur depuis cinq ans, « il n’y a pas de raisons que cela ralentisse », lance M. Bergen. « Le levier est une stratégie puissante qui donne même des résultats supérieurs aux programmes d’investissements mensuels continus lorsqu’il est employé à long terme ».

À la Banque Nationale, le directeur principal, gestion des partenariats, Benoît Hamelin, voit le levier comme une stratégie sérieuse qui prend de plus en plus d’ampleur au gré des ententes conclues avec divers partenaires. La banque québécoise s’est d’ailleurs développé une niche particulièrement importante hors-Québec et lorgne déjà de nouvelles ententes.

Talbot Stevens avance certaines raisons pour expliquer la soudaine popularité des prêts leviers. Les activités des assureurs se concentrent de plus en plus en investissement. Pendant le marché baissier des années 2001-2002, les gens n’investissaient plus. Les institutions financières devaient trouver une autre avenue. Ce fût celle du levier.

Aussi, la venue des assureurs dans le secteur de l’investissement et la croissance marquée de la planification financière a donné un sérieux coup de pouce à l’approche du prêt levier, croit M. Stevens.

Ensuite, tant les conseillers que leurs clients sont devenus plus sophistiqués que jamais.

Quant à Scott Bergen, il croit que la mésaventure de plusieurs, lors de l’éclatement de la bulle techno, aura servi le marché des prêts leviers. Selon lui, les investisseurs qui se sont brûlés avec les actions à la fin des années 90 se sentent maintenant plus à l’aise avec une stratégie de levier dans des fonds communs ou des fonds distincts.

Dans ce marché en effervescence, les joueurs demeurent muets sur les statistiques. Objectif de parts de marché? Actif sous gestion? Nombre de conseillers? Volume de prêts? Toutes des questions qui sont demeurées sans réponse. On a, tout au plus, pu savoir que B2B Trust a un volume de prêts à l’investissement qui joue dans les milliards de dollars.

La concurrence n’en est pas moins très vive dans ce secteur d’affaire, observe Talbot Stevens. « Aussitôt qu’un joueur lance une nouvelle caractéristique, il est rapidement imité. »

Selon le consultant, les joueurs actuellement les plus agressifs sont Banque Manuvie et AGF Trust. Par exemple, AGF affiche, dans une des pages de son site web, son prêt 3 pour 1 sans appel de marge. Ce qui signifie que pour investir 100$, l’emprunteur n’a qu’à fournir une mise de fonds de 25$ alors qu’AGF en prêtera 75$.

L’avantage pour ces joueurs agressifs, explique M. Stevens, c’est qu’ils ont leurs propres gammes de fonds distincts.

Ainsi, Manuvie offre un programme spécial pour les clients de ses conseillers financiers. Ceux-ci peuvent offrir à leurs clients disposés à investir dans ses fonds de placement garantis Sélect et RevenuPlus un prêt avec trois mois sans paiement d’intérêt. Prêt à acceptation rapide et sans mise de fonds exigée jusqu’à un montant de 250 000$, le produit de Manuvie ne comporte pas d’appel de marge et n’exige que des paiements d’intérêt. Il est offert au taux préférentiel plus 1,5%.

Quant à eux B2B Trust et la Banque de Montréal demeurent des joueurs majeurs auprès des intermédiaires depuis plusieurs années dans ce marché alors que la Banque Nationale du Canada s’impose de plus en plus comme un sérieux prétendant, ajoute-t-il. Plus marginaux selon lui, MRS Trust (Mackenzie) et TD Canda Trust n’en sont pas moins des joueurs très actifs.

Banque Dundee aurait joint le bal mais depuis peu. Elle a ainsi refusé de faire partie de notre tableau de comparaison. De plus, Banque Dundee n’avait pas retourné nos appels au moment de mettre sous presse. Par un survol de son site, on peut toutefois apprendre que la banque de ce groupe de distribution en assurance vie aussi propriétaire de Fonds Dynamique offre un compte d’épargne au taux annuel de 3,83%. Ils ne sont pas les seuls : MRS offre un compte épargne au même taux.