Résultat de la fusion entre l’Association canadienne des courtiers de fonds communs (ACFM) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) réglemente deux contingents de conseillers :

  • Les représentants de courtier en épargne collective, régis par les Règles visant les courtiers en épargne collective (Règles CEC) de l’OCRI 
  • Les représentants de courtier en placement, régis par les Règles visant les courtiers en placement et règles partiellement consolidées (Règles CPPC

Chaque groupe voit ainsi la rémunération régie par un ensemble de règles différent l’un de l’autre. Les représentants en épargne collective peuvent avoir leur rémunération versée à un tiers ou à une société personnelle. Les représentants de courtier en placement n’y sont pas autorisés. Pour uniformiser les règles du jeu, l’OCRI a proposé un choix entre trois approches dans son énoncé de position de janvier 2024, intitulé Options politiques pour équilibrer le terrain de jeu de la rémunération des conseillers

  • Approche consolidée fondée sur le versement de commissions à des tiers
  • Approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées (représentants) 
  • Approche fondée sur des sociétés inscrites 

L’OCRI a spécifié dans son énoncé qu’il préférait l’approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées. 

Le régulateur a posé des questions spécifiques dans son appel à commenter. En réponse à la consultation qui a pris fin le 25 mars 2024, il a reçu 39 commentaires d’un large éventail de participants, dont des courtiers en placement, des courtiers de fonds communs, des compagnies d’assurance, des agents généraux, des conseillers et plusieurs associations. 

Utilisé pendant des décennies 

Parmi les assureurs, Canada Vie, Desjardins, Patrimoine Manuvie (anciennement Placements Manuvie), filiale de Manuvie, et Sun Life ont soumis des commentaires. Sun Life dit soutenir le principe selon lequel les représentants (désignés sous le terme « personnes approuvées » dans son commentaire) par le courtier en placement devraient être autorisés à recourir aux mêmes pratiques de rémunération que les représentants de courtier de fonds communs « ont utilisées pendant des décennies », écrit l’assureur. 

Sun Life croit que toute surveillance réglementaire qui résulte d’une harmonisation des règles d’un modèle de rémunération devrait être proportionnelle à tout risque connu ou réalisé. « L’industrie des fonds communs a permis la pratique de diriger la rémunération pendant des décennies », ajoute l’assureur, selon lequel cela a eu un impact positif sur les conseillers. « Dans notre expérience, il n’y a pas eu de préoccupations ou de problèmes décelés qui indiqueraient un risque accru de permettre aux personnes approuvées par le courtier d’utiliser la même approche. La mécanique permettant les commissions dirigées (vers une société) ne crée pas de confusion, ou de risques pour l’expérience du client, les relations ou les divulgations. » 

Lacunes réglementaires 

Organisme de défense des droits des investisseurs, FAIR Canada n’est pas d’accord. Il dit dans son commentaire que les arrangements de commissions dirigées utilisés par les courtiers de fonds communs laissent des lacunes réglementaires. L’organisme pense que l’OCRI risque de créer de nouveaux risques et coûts réglementaires significatifs en se concentrant sur son approche préférée. Ce sera d’après des dépenses engagées en retour de « très peu de bénéfices ajoutés en termes de protection des investisseurs ».

Selon FAIR Canada, l’énoncé de l’OCRI « met la charrue avant les bœufs ». L’organisme se dit déçu que l’OCRI envisage d’utiliser « ses ressources réglementaires limitées », ainsi que celles des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et des gouvernements provinciaux, « au-delà de ce qui est nécessaire pour adresser l’incohérence actuelle ». Les options d’incorporation présentées par l’OCRI dans son document de position nécessitent que les gouvernements provinciaux et territoriaux modifient la législation locale sur les valeurs mobilières. 

Patrimoine Manuvie opte quant à elle pour la troisième approche proposée par l’OCRI, soit l’approche fondée sur des sociétés inscrites. « Bien que nous soutenions particulièrement l’approche de la société inscrite parce qu’elle s’aligne sur les besoins d’entreprises de Manuvie, nous reconnaissons également que limiter l’incorporation à un seul modèle pourrait ne pas être nécessaire, et que l’OCRI pourrait plutôt encourager la disponibilité d’approches différentes », écrit le courtier. Il ajoute que cela permettrait aux courtiers et aux conseillers de mieux s’ajuster en fonction de leurs préoccupations opérationnelles, commerciales et envers leurs clients. 

Patrimoine Manuvie soutient également la suggestion de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), selon laquelle les modèles d’incorporation créés par l’OCRI devraient inclure à la fois des activités qui peuvent être inscrites et d’autres qui ne peuvent l’être. (D’autres soumissions détaillent également les défis opérationnels qui pourraient survenir si les deux devaient être séparés.) 

« Nous croyons également que pour conserver une supervision appropriée, la société d’un conseiller doit être directement détenue par l’inscrit ou les membres de sa famille immédiate. Sans cette barrière, nous verrons émerger une dynamique où des organisations tierces achètent ces entreprises de conseil, ne laissant que le conseiller inscrit chez nous, et aucune relation significative avec le propriétaire réel de l’entreprise ni supervision de celui-ci », prévient Patrimoine Manuvie. 

Valeur du bloc d’affaires 

Worldsource Wealth Management discute quant à lui du réseau de succursales et des situations dans lesquelles le courtier possède déjà le bloc d’affaires (clientèle) du conseiller. Le courtier plaide pour que l’OCRI supprime entièrement les règles proposées de propriété corporative. « La proposition de l’OCRI de limiter les actionnaires d’une société agréée de personnes inscrites approuvées limiterait également le bassin d’individus qui auraient les ressources financières pour acheter un bloc d’affaires », affirme-t-il. « Cela mettrait davantage à l’épreuve la capacité de l’inscrit à obtenir le meilleur prix pour son bloc d’affaires, étant donné le nombre limité d’individus qui seraient autorisés l’acheter. » 

Collaboration et transition de 4 ans 

Dans son commentaire, Canada Vie qualifie l’effort de l’OCRI d’initiative critique. L’assureur souhaite que le régulateur collabore avec les ACVM pour permettre aux sociétés de s’engager dans des activités inscrites, en poursuivant la deuxième option envisagée dans le document de position de l’OCRI, soit l’approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées.

L’assureur recommande que l’OCRI poursuive également selon sa première option proposée, soit l’approche consolidée fondée sur le versement de commissions à des tiers. « Dans l’intervalle, l’OCRI devrait agir rapidement pour équilibrer le terrain de jeu en mettant en œuvre l’option 1. » 

Les deux approches sont décrites dans le document de position de l’OCRI. « Permettre aux sociétés de s’engager dans des activités inscrites sous l’option 2 est la solution optimale », écrit Canada Vie. L’assureur ajoute que la transition vers toute nouvelle approche ne doit pas être sous-estimée. Elle encourage l’OCRI à permettre la continuation des arrangements d’incorporation pour les conseillers en fonds communs.

Dans la mesure où une transition serait également requise pour ces conseillers, elle demande une période de transition d’au moins quatre ans. 

Le cas du Québec et de l’Alberta 

Dans son commentaire, l’association de courtiers indépendants Independent Financial Brokers of Canada (IFB) souligne que certaines juridictions peuvent continuer à interdire l’incorporation : « Nous nous demandons quelle sera la réussite de toute mise en œuvre étant donné que certaines juridictions peuvent continuer à interdire toute option d’incorporation ». L’IFB dénonce que si ces différences juridictionnelles restent non résolues, l’incorporation continuera d’être inaccessible pour les conseillers inscrits en Alberta, et au Québec sous l’Autorité des marchés financiers. Ce qui touchera les conseillers inscrits dans plusieurs juridictions, lorsqu’elles incluent l’Alberta et le Québec, précise l’IFB. « Il sera important pour l’OCRI et les ACVM de travailler à résoudre ces divergences », soutient l’association. 

Plus d’un commentaire soulève également des préoccupations quant à l’acceptation des régimes d’incorporation proposés par l’Agence du Revenu du Canada (ARC). « Comme l’OCRI le note, le document de position n’entre pas dans une discussion ou une analyse de la conformité avec les lois fiscales applicables », dit FAIR Canada en faisant allusion aux dispositions qui peuvent différer d’une province ou d’un territoire à l’autre.

FAIR Canada croit que l’OCRI et d’autres régulateurs pourraient ainsi dépenser des ressources réglementaires considérables pour développer et mettre en œuvre une approche que l’ARC ne reconnaîtrait pas. L’organisme estime que l’OCRI n’a pas démontré suffisamment que les avantages l’emporteront sur les coûts de ses approches proposées. « Sans clarté sur l’application des lois fiscales pertinentes ou la volonté des ACVM de se pencher sur l’une des options proposées, il est prématuré de demander des commentaires sur celles-ci », écrit FAIR Canada. 

De manière similaire, la Portfolio Management Association of Canada (PMAC) demande également plus d’informations au régulateur. « Nous croyons qu’avant de faire des changements, on devrait déterminer si l’utilisation des sociétés personnelles de la manière décrite dans le document de position est conforme aux lois corporatives, aux lois des valeurs mobilières et aux lois fiscales pertinentes », prévient la PMAC.

Elle pense que déterminer ce point pourrait révéler laquelle des options proposées est préférable d’un point de vue réglementaire. « Comme indiqué dans le document de position, toute modification aux règles devrait être soumise à une consultation publique, ainsi qu’à l’examen et l’approbation des ACVM. Il est difficile de comprendre comment les parties prenantes et l’ACVM peuvent correctement considérer les changements proposés sans cette information », soutient la PMAC.