Les primes d’assurance maladies graves ont totalisé près de 510 millions de dollars en moyenne chaque année au Québec pour les années 2016, 2017 et 2018, selon le Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves publié par l’Autorité des marchés financiers en décembre 2021. L’assurance maladies graves représente environ 3 % du total des primes souscrites annuellement par les assureurs au Québec pour l’ensemble de leurs produits en assurance de personnes, soit environ 17 milliards de dollars (G$).
Du total des primes souscrites en assurance maladies graves, 73 % le sont sous forme d’assurance individuelle et 27 % sous forme d’assurance collective, selon les statistiques de l’Autorité. Ces statistiques révèlent également que l’assurance individuelle représente 18 % des polices souscrites en assurance maladies graves, alors que l’assurance collective en représente 82 %.
L’écart observé de part et d’autre reflète la différence entre les deux secteurs : l’assurance individuelle est souscrite par un seul assuré alors que l’assurance collective souscrite par l’employeur entraîne l’émission d’une police (certificat d’assurance) pour chaque employé adhérent au régime collectif. De plus, les polices collectives sont souvent souscrites pour de petits montants d’assurance. Elles sont donc généralement moins coûteuses en termes de primes que les polices individuelles.
« L’assurance maladies graves collective ne représente qu’une petite composante des dépenses en programmes d’avantages sociaux », estime pour sa part Ken Fraser, président et fondateur de la firme de recherche Groupe Fraser. « Elle ne représente que 0,5 % d’une industrie de 50 G$ », observe-t-il.
M. Fraser souligne en revanche que les primes de cette garantie croissent plus rapidement que celles des garanties plus traditionnelles, telles que l’assurance vie ou dentaire. « Depuis les cinq dernières années, les primes d’assurance maladies graves ont crû à un taux annuel moyen de 9,4 %, comparé à 4,2 % toutes garanties confondues », révèle le président de Groupe Fraser.
Parmi les assureurs, Sun Life a vu le taux d’adhésion des participants à l’assurance maladies graves des régimes collectifs baisser au cours des deux dernières années. « Cette baisse est due à la pandémie de COVID-19. Nous commençons à voir un rebond dans ce secteur », ajoute toutefois Mark Arruda, vice-président adjoint, gestion des produits d'assurance de Sun Life.
Vice-présidente assurance pour les groupes et les entreprises de Desjardins Assurances, Marie-France Amyot révèle que ses ventes d'assurance maladies graves en assurance collective sont demeurées relativement stables depuis 2017. « À l'exception de l'année 2020, où il y a même eu une augmentation des ventes de ce produit », ajoute-t-elle.
Quant à l’assurance collective en général, Mme Amyot signale que l’évolution de son offre a davantage porté sur l’amélioration des solutions de Desjardins Assurances pour accompagner les employeurs et les adhérents, notamment avec les enjeux de mieux-être et de santé mentale. « Pensons à l’accès à la télémédecine, aux outils pour la gestion des troubles du sommeil, etc. Nous allons d’ailleurs continuer de miser sur ces innovations », dit Marie-France Amyot.
Une percée en facultative
À iA Groupe financier, la croissance des primes de l’assurance maladies graves collectives est assez stable, signale pour sa part Andrée-Anne Bourgeois, directrice, produits, communication et marketing. « C’est une garantie collective parmi d’autres, qui n’a pas eu beaucoup d’attention ces dernières années », remarque-t-elle dans l’industrie.
La garantie suscite plus d’intérêt depuis le début de la pandémie, note toutefois Mme Bourgeois. « La COVID-19 a sensibilisé les participants et les employeurs à l’importance d’avoir un régime adapté, qui prévoit le pire et prend soin du bien-être des employés et de l’ensemble de leurs besoins. » Issus de différentes générations, les participants d’un régime ont besoin de produits plus personnalisés. « Ils veulent pouvoir choisir le montant d’assurance, ajouter un conjoint et des enfants. Les plateformes numériques offrent la possibilité d’offrir un produit qui s’adapte à différents types d’employés. »
Mme Bourgeois croit que ces plateformes peuvent aussi permettre de cibler un moment pertinent dans le cycle de vie d’un employé pour lui offrir ce type de garantie, « comme l’arrivée d’un premier enfant ».
Andrée-Anne Bourgeois remarque que les produits volontaires gagnent en popularité et alimentent la croissance des primes d’iA en assurance maladies graves collective. « Il y a encore des garanties d’assurance maladies graves obligatoire, mais la popularité vient plus des garanties facultatives ou volontaires », dit-elle. « La garantie d’assurance maladies graves offerte sur base volontaire ou facultative à l’employé est la plus en croissance parce qu’elle permet à l’employeur de répondre au besoin de l’employé, d’attirer les talents et de les retenir. De plus, elle n’augmente pas le coût de leur assurance collective. » C’est l’employé qui assume le coût d’une garantie volontaire.
Les employés font un choix individuel en choisissant la garantie volontaire. Or, l’offre demeure collective, souligne Mme Bourgeois. Ainsi, le prix et la sélection des risques sont plus avantageux pour l’employé qu’ils ne le seraient en assurance individuelle. « Tous les employés du groupe qui achètent la garantie se retrouvent sous un même contrat collectif », précise-t-elle.
Vif succès dans l’Ouest
Vice-président exécutif et leader, assurance collective de Beneva, Éric Trudel dit pour sa part connaître un vif succès avec la garantie collective en assurance maladies graves, plus dans l’Ouest canadien qu’au Québec. Il confirme l’engouement envers la garantie volontaire. « Il y a une popularité surtout du côté de la garantie vendue sur base facultative », révèle-t-il. La garantie obligatoire d’assurance maladies graves est moins populaire, entre autres parce qu’elle « ajoute un coût pour tous dans le régime collectif », fait valoir Éric Trudel.
M. Trudel explique que des employés d’un groupe peuvent aussi choisir d’ajouter des tranches de protection d’assurance de façon facultative à chaque renouvellement de leur garantie obligatoire (renouvelable annuellement). Ceux qui optent pour une garantie facultative représentent en moyenne un taux d’adhésion appréciable par rapport à tous les membres du groupe, estime le leader de l’assurance collective à Beneva.
« Nous vendons la garantie facultative d’assurance maladies graves dans notre gamme d’assurance collective spécialisée destinée aux employeurs qui administre eux-mêmes leur régime. Nous l’offrons par l’entremise de courtiers pour desservir leur bloc de clients en autoadministration », explique M. Trudel. L’administration de la garantie d’assurance maladies graves revient ainsi à moindre coût pour ces groupes.
Éric Trudel relate que Beneva a hérité de cette gamme de produits collectifs en 2012, lorsque l’assureur (alors SSQ Assurance) a acquis AXA Assurances et sa filiale d’assurance collective spécialisée La Citadelle. « Notre bloc spécialisé représentait 60 millions de dollars (M$) sur nos 3,2 G$ de primes d’assurance collective en 2021. Ce bloc représentait entre 30 M$ et 40 M$ à l’acquisition. C’est une croissance quand même intéressante en 10 ans », dit-il.
Plus facile à dire qu’à vendre
Courtier en assurance collective de la région d’Ottawa et propriétaire du cabinet Mosley Group Benefits, Gavin Mosley a aussi développé The GroupBenefitz Plateform Inc., une assurtech qui lui permet de desservir d’autres courtiers et des associations. Pour sa part, il offre entre autres le produit Parachute Critical Illness Insurance par voie numérique à ses clients, tant des PME que de grandes entreprises. Il s’agit d’une plateforme de deux garanties facultatives (vie et maladies graves) assurées par Temple Insurance Company, fournisseur d’assurance de Munich Re au Canada. Parachute offre différents montants d’assurance selon la taille des groupes et l’exigence ou non de preuves médicales.
Gavin Mosley précise que l’offre de garanties facultatives occupe une large part de sa pratique et des activités de sa plateforme numérique. Sa pratique lui révèle que l’assurance maladies graves n’est pas facile à vendre. « Je suis d’accord pour dire que les ventes d’assurance maladies graves en collectif stagnent. Personne n’enfonce ma porte pour l’ajouter à son régime. Ce n'est pas cette solution miracle que nous pensions être », a-t-il lâché durant une entrevue accordée au Portail de l’assurance. Le courtier observe que la garantie facultative en assurance maladies graves est beaucoup plus difficile à vendre que celle d’assurance vie, parce beaucoup plus compliquée à expliquer.
M. Mosley constate que l’offre de garanties facultatives est plus solidement implantée dans les grandes entreprises, et ce depuis plusieurs années. Ce n’est pas le cas dans les petites et moyennes entreprises (PME), ajoute-t-il. « Les grandes entreprises ont accès à des choix depuis des années, avec une offre étendue de garanties facultatives. Cela en est aux premiers pas dans le secteur des PME. L'un des principaux objectifs de notre plateforme est d’offrir des choix. Mais les offrir dans le segment des PME demeure encore très difficile », dit M. Mosley.
Il rappelle que les petites entreprises de 20 employés et moins constituent la majorité des entreprises au Canada. Celles de 10 à 20 employés représentent un de ses principaux marchés. Or, la vaste majorité de ces entreprises choisissent un régime à taille unique (one-size-fits-all). Ce qui n’est plus la solution, selon lui. Il rappelle que « cinq cohortes générationnelles se côtoient en milieu de travail ».
Gavin Mosley a toutefois un atout dans sa manche au moment de présenter la garantie facultative en maladies graves auprès des PME : Parachute est une plateforme de tierce partie en administration. Elle permet ainsi à l’employeur d’offrir la garantie sans fardeau administratif additionnel. Parce qu’elle est une plateforme indépendante, ses garanties demeurent en place, même lorsque l’assureur principal du régime change. « Nous vendons toujours les deux garanties (vie et maladies graves). Parachute est un tiers administrateur. Le client n’est pas lié à un assureur », explique M. Mosley.
Conscient que l’assurance maladies graves ne peut remplacer l’assurance invalidité, Gavin Mosley croit néanmoins que la garantie facultative permet de combler une lacune propre au marché des PME. « La garantie facultative d’assurance maladies graves comble une lacune vitale des PME qui n’offrent pas d’invalidité à court terme. Seules 15 % à 20 % d’entre elles offrent une forme ou une autre de remplacement du revenu à court terme. La plupart offrent la garantie d’invalidité à long terme, mais il faut attendre quatre mois pour s’en prévaloir. Pendant ce temps, un montant forfaitaire d’assurance maladies graves peut permettre d’assumer la portion non couverte des frais de médicaments et des dépenses imprévues. »
Avoir du volume
Parmi d’autres assureurs, Allstate du Canada offre une garantie facultative d’assurance maladies graves à travers une division appelée Allstate Benefits. Allstate Benefits est aussi active aux États-Unis. Bob Mongia en dirige les activités au Canada. Il a expliqué que Allstate offre l’assurance maladies graves collective tant sur base volontaire qu’obligatoire. « L’assurance maladies graves collective obligatoire représente 30 % de nos affaires », révèle M. Mongia.
Parmi les propositions de valeur qui lui permettent de percer le marché, M. Mongia mentionne en premier lieu la simplicité du produit. « Nous avons exclu de nos contrats le langage non convivial que nos compétiteurs utilisent. On n’a pas à lire de langage médical. Cela permet aux employés de mieux comprendre comment ils seront payés. »
Comme le langage utilisé dans le produit est moins restrictif et que les réclamations sont ainsi plus aisément payées, Bob Mongia explique que Allstate gère le risque grâce au volume, « en ayant plusieurs polices en place ». Il n’a pas voulu préciser combien Allstate en a actuellement en vigueur au Canada. Sur son site, Allstate Benefits dit offrir ses produits de maladies graves et d’accident à plus de 50 000 groupes et 4,2 millions d’employés assurés aux États-Unis et au Canada.
M. Mongia a expliqué comment il acquiert groupe par groupe le volume acceptable aux yeux de Allstate. « Nous nous assurons d’avoir une bonne participation du groupe, de bien comprendre ses besoins et comment la compagnie nous supportera dans le processus, par exemple en informant ses employés. Autrement, nous n’aurons que peu de polices et le groupe ne sera pas un bon risque », signale le directeur de Allstate Benefits au Canada.
Lorsque ces conditions sont remplies, Bob Mongia révèle qu’un employé sur trois à qui il présente la garantie facultative l’achètera. Allstate Benefits a parmi ses groupes des PME de trois employés jusqu’à de grandes entreprises de 100 000 employés. Il compte par exemple certains magasins de la chaîne Walmart.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition de septembre 2022 du Journal de l'assurance.